Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/424

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un esprit politique remarquable et un sentiment patriotique estimable marquèrent en général les choix de ce temps. C’est pendant cette période que l’Allemagne, qui avait laissé perdre les prérogatives de la dignité impériale, mais qui les recouvra glorieusement sous le règne du grand Otton de Saxe, développa les qualités qui la distinguent dans le monde moderne et la puissante nationalité qui lui assure un rang si élevé en Europe, bien que, dans sa lutte avec les autres nationalités qui se dégageaient en ce même temps des entraves de l’invasion germanique, elle ait été successivement refoulée par les races latines dans son orbite naturel et dans les limites qui lui étaient propres. Plusieurs peuples, nations ou régions organisées, formaient à la mort du dernier prince carlovingien, Louis l’Enfant, l’ensemble de l’état qui ne s’appelait point encore l’Allemagne, mais la Germania ou Teutschland. Ces peuples ou nations, comme ils se nommaient eux-mêmes, héritiers des associations ou confédérations du temps de l’empire romain, avaient formé pour la plupart des royautés séparées, telles que la Saxe et la Bavière, et alors étaient gouvernés par des ducs, herzogen ou fürsten, constitués par Charlemagne et fondus dans la grande centralisation administrative dont il était l’auteur. Ces duchés ou nations étaient au nombre de cinq, auxquels se trouvaient annexés les margraviats considérables qui s’en détachèrent dans la suite pour former de nouveaux états, tels que le Brennibor ou Brandebourg et l’Autriche. Ces cinq duchés primitifs étaient la Saxe, qui comprenait les basses vallées de l’Ems, du Weser et de l’Elbe ; la France orientale, Ostfranken, qui comprenait, outre la Franconie d’aujourd’hui, ce qu’on nommait alors la France rhénane, Rheinfranken, sur les deux rives du Rhin, à peu près l’ancien Palatinat, avec Worms, Spire, etc. ; l’Alemannia ou Souabe, qui comprenait les bassins du Neckar et du Haut-Rhin jusqu’à Wissembourg ; la Bavière, qui occupait le bassin du moyen Danube, depuis l’Alp de Souabe jusqu’à la Bohême ; enfin l’ancien royaume de Lothaire, Lohérégne ou Lorraine, qui embrassait les vallées de la Moselle et de la Meuse, depuis leur source jusqu’à leur embouchure.

Dans ces duchés dominaient hiérarchiquement des familles nobles et puissantes, établies d’abord à titre bénéficiaire, puis à titre héréditaire, sous la suzeraineté impériale. La race de Charlemagne ayant failli, l’ambition de chacun de ces grands vassaux se porta vers la succession vacante, et en raison de sa bonne fortune, de son importance, de sa sagesse ou de sa force, chacun put à son tour arriver au but de ses désirs, sauf à défendre le pouvoir acquis contre les jalousies des rivaux ou contre les révoltes des subordonnés. A la mort de Louis l’Enfant, les nations, réunies en comices