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naturelle, le duc de Cobourg lui a déjà livré son armée ; le grand-duc de Bade lui livre sa politique, tandis que le Hanovre et le Wurtemberg sont involontairement conduits à prendre une attitude de défiance qui appelle sur eux les colères de la presse unitaire. » Depuis dix ans que sont écrites ces lignes, la révolution allemande, bâtée, il est vrai, par la déclaration de guerre de la France, a fait les pas de géant de 1866 et de 1871. Quels sont ceux qui lui restent à faire ? C’est ce que nous avons à rechercher.

L’empire allemand est rétabli ; ni la France, ni l’Europe ne peuvent contrarier le développement de son institution : il serait insensé d’y songer ; mais que l’Europe le sache bien, un nouveau modus vivendi s’ouvre pour elle, et des périls de toute sorte se préparent pour son avenir : ils apparaissent à tous les points de l’horizon, et la maison de Zollern renferme en elle-même le plus marqué de ces dangers. Partie comme la maison des Habsbourg d’un château comtal de la Souabe, elle a nourri contre elle une rivalité séculaire, couvé l’ambition de lui tenir tête, de lui montrer sa force, et, lui ayant survécu, elle a voulu la remplacer. Le partage et le lot de 1815 ne lui a plus suffi, elle se fait aujourd’hui sa part elle-même, l’Europe est complètement abandonnée à sa générosité. Par l’argent ou par l’épée, elle arrive à tout. Elle prête sur gage à un empereur prodigue, en obtient le Brandebourg, s’en fait un arsenal, un marchepied vers la royauté, étonne le monde par Frédéric II, louvoie pendant la tempête des révolutions, puis au moment opportun s’élance audacieusement à la domination universelle. La Prusse lui doit sa grandeur et se courbe à ses pieds ; l’Allemagne lui doit la satisfaction de sa passion, et ne peut rien lui refuser. Les Zollern lui ont tout demandé, jusqu’à sa liberté qu’elle a donnée. Une fois de plus la démocratie européenne aura fait la courte échelle au pouvoir absolu. Je n’en cite qu’un exemple. L’Allemagne unitaire abjure complètement aujourd’hui la sympathie enthousiaste qu’en d’autres temps elle a montrée pour la cause polonaise ; la Prusse étant plus implacable que la Russie dans l’œuvre de dénationalisation de ses provinces polonaises, aucun ne songe à le lui reprocher. Se piquant toutefois en ce point d’une habileté administrative qu’ignore la Russie, elle accomplit son dessein avec une persistance silencieuse, et offre aux Posnaniens plus de liberté personnelle en compensation d’une pression plus résolument tyrannique à l’endroit de la nationalité. Elle applique à la Pologne les maximes bien arrêtées de Frédéric II.

La France seule pouvait contenir l’expansion de la puissance prussienne. Elle y avait réussi par habileté au congrès de 1815 ; elle y a échoué par imprévoyance en 1865-1866, et par revers du sort en 1870-1871. Deux provinces perdues, six milliards arrachés