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II

Indépendamment des variations normales et insignifiantes que la chaleur peut présenter dans une même espèce et de celles qu’elle manifeste lorsqu’on passe d’un groupe zoologique à un autre, il y a lieu de considérer les changemens qu’elle subit chez un même individu sous l’influence des perturbations diverses de l’économie. Si elle reste à peu près insensible aux modifications de la température ambiante, il n’en est pas de même lorsqu’on touche à l’intégrité de l’équilibre des organes. Le concert des diverses parties de l’organisme et des fonctions qu’elles accomplissent est si grand que le moindre trouble s’y répercute et porte partout le désordre. Le système nerveux, chargé de maintenir la communication harmonique de tous les points de l’animal, a le premier connaissance de l’accident survenu, et en transmet de tous côtés l’impression anormale. Il n’est pas le générateur de la chaleur animale, mais il en est le régulateur, c’est-à-dire qu’il en dirige et en surveille en quelque sorte la production et la distribution au gré des besoins variables de l’économie. Toute lésion ou affection de ce système a un contre-coup sur les actes physiologiques, et principalement sur la calorification. En coupant sur un lapin le filet cervical du grand sympathique d’un seul côté, M. Claude Bernard a provoqué de ce côté une élévation de température de plusieurs degrés. Là où sous une influence quelconque l’action du système nerveux est suspendue, le sang afflue, apportant avec lui une plus grande quantité d’énergie thermique. Là où l’inverse a lieu, les vaisseaux se resserrent, et la température s’abaisse.

L’alimentation insuffisante et l’abstinence agissent sur la chaleur animale, mais non d’une manière immédiate. L’organisme se maintient à son degré normal de température jusqu’à ce qu’il ait épuisé sa réserve de matériaux combustibles. Alors il se refroidit peu à peu jusqu’à un degré très inférieur. Ainsi un lapin soumis à l’inanition par M. Chossat possédait le premier jour 38°,4, deux jours avant sa mort 38°,1, la veille 37°,5, et au moment de sa mort 27 degrés. En l’introduisant, à l’instant où il va succomber, dans un milieu chaud, on lui restitue pour quelque temps l’activité apparente de ses fonctions ; toutefois ce réveil est de courte durée : les élémens anatomiques ont perdu définitivement tout ressort.

La main d’un malade qui souffre d’une fluxion de poitrine ou qui est atteint d’un accès de fièvre est brûlante ; celle d’un individu affecté d’asthme grave ou d’emphysème paraît froide comme le marbre. C’est que la chaleur animale varie considérablement dans les divers états pathologiques. Tantôt elle s’y élève, tantôt elle s’y