Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 97.djvu/457

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

geysers exigeait plus de temps. Pour y aller, deux voies s’offrent au choix du voyageur : celle de Pétaluma et celle de Napa ; ce fut ma bonne étoile qui me dirigea sur la première. Je m’embarquai donc sur un bateau à vapeur pour traverser la baie dans la direction du nord et atteindre la petite ville de Pétaluma, à 48 milles de San-Francisco.

En Californie, on a le goût de la locomotion. Les affaires, et les considérations de budget ont leur importance là comme ailleurs, mais négocians et commis ne sont pas sans trêve ni merci rivés, d’un bout de l’année à l’autre, à leur bureau. Il en est d’ailleurs pour lesquels le roulement des affaires n’est pas continu, et ceux qui peuvent circuler, voir, se distraire, ne se refusent pas ces jouissances. Aussi n’y a-t-il peut-être aucun pays au monde où la population soit plus mouvante qu’en Californie, où les élémens de distraction soient plus promptement organisés, mieux à la portée de tous : steamboats, chemins de fer, voitures publiques et voitures particulières, tous ces moyens de transport abondamment ouverts au public créent autant d’industries lucratives, malgré, les concurrences que suscitent partout les bénéfices d’exploitation d’une voie suivie par la foule. Le fait est qu’en Californie la foule se répand de tous côtés : elle veut tout connaître successivement, et favorise toutes les entreprises qui lui font entrevoir des émotions nouvelles. Au nombre des personnes qui comme moi avaient pris passage sur le bateau à vapeur de Pétaluma se trouvait un jeune homme que j’avais déjà rencontré à San-Francisco ; accompagné de sa femme, jeune, vive, alerte, il se rendait aussi aux geysers. Nous eûmes très vite arrêté notre programme ; afin d’échapper à la fois à la poussière suffocante des routes et aux inconvéniens des voitures publiques, il fut convenu que nous ferions en calèche une partie du chemin, ce qui augmentait le charme du voyage et nous affranchissait, de toute fatigue.

C’est ainsi qu’après avoir débarqué du vapeur, nous avons parcouru commodément de délicieuses vallées. Quelle verdure et quelle fraîcheur ! quel contraste avec l’aride San-Francisco et ses environs sablonneux ! Les herbes de la prairie, s’étendant sur une largeur variable de 5 à 30 milles, étaient émaillées de mille fleurs charmantes, parmi lesquelles je reconnus une espèce nouvelle de cardamine, un lastenia, un lupin indigène, l’helianthus argaphyllus, des anagallis, des convolvulus, le clittoria tahitiensis, etc. Sous ce climat enchanteur, qui me rappelait celui du nord de l’Italie, tout vient en abondance et avec une exubérance qui n’appartient qu’aux terres vierges ; les pays neufs recèlent dans leur sein comme des germes latens qui n’attendent que l’occasion d’une culture