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qu’énerver et déconsidérer le régime parlementaire lui-même. En un mot, on se détourne du grand et souverain objectif qui devrait rester présent à toutes les pensées pour faire de la petite politique. La question est là pour le moment, c’est ce qu’on pourrait appeler la clé de toutes ces complications intimes, indistinctes, dont le dernier résultat est une sorte d’incertitude maladive qui se communique à tout.

Est-ce la faute des choses ? est-ce la faute des hommes ? Le fait est que tout s’en ressent, qu’il en résulte pour le gouvernement la vie la plus laborieuse, la plus disputée, pour l’assemblée une apparente impuissance qui n’est relevée que par l’éclat sérieux de certaines discussions, pour tout le monde une espèce d’attente devant l’inconnu. La première nécessité est donc de sortir de cette lourde et confuse, atmosphère où tout se rapetisse, de ramener notre politique à ses vraies conditions, sur son vrai terrain, le terrain de la délivrance et de la réorganisation de la France. C’est à ce point de vue que tout doit être jugé désormais, et pour longtemps encore. Auprès de cela, que signifient ces tumultueux et inutiles dialogues où il s’agit de savoir si M. Thiers est président de la « république provisoire, » ou s’il est « provisoirement » président de la république ? Que signifient même les propositions par lesquelles M. Ernest Picard, revenu sans doute tout exprès de Bruxelles, essaie de glisser furtivement la proclamation définitive de la république ? Eh bien ! puisque ces questions sont sans cesse agitées, puisqu’elles sont une arme dans la main des partis, qu’on s’explique une bonne fois, qu’on aille au fond des choses. Mieux vaut assurément une franche et décisive explication que tous ces chuchotemens, que toutes ces propositions colportées de réunion en réunion, que toutes ces tentatives périodiques pour réformer ce qu’on a fait la veille. Et, si on aborde cette question sincèrement, en s’inspirant des nécessités supérieures du pays, on arrivera bien vite à la vraie solution, on ne tardera pas à s’apercevoir que, la situation de la France étant donnée, ce qu’il y a de plus définitif ou de plus sûr, c’est encore ce qui existe, parce que rien autre chose n’est possible, parce que nous n’avons ni le loisir ni la liberté de nous donner le luxe de ce qui serait après tout une révolution sous le regard de l’étranger, toujours prêt à profiter de nos moindres crises, de nos moindres agitations.

Quel caractère prendra le gouvernement de la France dans deux ans, lorsqu’il n’y aura plus à craindre les interventions étrangères ? Le pays lui-même se chargera de le dire dans sa souveraineté. Jusque-là, qui donc oserait prendre la responsabilité d’enlever une solution prématurée ? qui voudrait avoir la hardiesse de faire en ce moment un tel acte de juridiction nationale ? Est-ce le parti monarchique de l’assemblée ? S’il avait été assez uni, il aurait pu le tenter à Bordeaux, il aurait pu donner un gouvernement à la France. S’il ne l’a pas fait, c’est que pro-