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et l’importance de son culte. Citons seulement Baalath-Béer, ou, comme nous dirions, « Notre-Dame-de-la-Source. » Les inscriptions nous font encore connaître le Jaribol ou Jereah-Beal, Baal uni à la lune (Astarté), l’Aglibol ou Égel-Baal, Baal adoré sous la forme d’un jeune taureau, etc. Sur les monumens figurés, on retrouve en effet Baal sous la forme d’un taureau et Aschera sous celle d’une vache. Au temps des Séleucides, à l’époque d’Antiochus Épiphanes, on grava des images du dieu qui rappellent le Zeus hellénique assis sur son trône, avec son aigle, et des images d’Aschtaroth dont la tête est couronnée de tours.

Mais la forme la plus populaire de Baal, en tant qu’il représente le cours annuel du soleil, était celle d’Adonis (Adôn, Adonaï) ou plutôt de Tammouz. Les religions sémitiques ont connu ces dieux jeunes et beaux comme des adolescens, qui meurent en automne et ressuscitent au printemps. En Palestine, à Jérusalem même, on célébrait les Adonies. « Là se trouvaient assises des femmes pleurant Tammouz, » dit Ézéchiel en parlant du temple. Ce culte devait avoir de bien profondes racines en Judée, car il survécut à la ruine des deux temples de Jérusalem et à la dispersion des Israélites dans le monde entier. Du monastère de Bethléem, en 396, saint Jérôme écrivait à Paulin que « l’amant de Vénus était pleuré dans la grotte où, tout enfant, le Christ vagissait. » il parle encore d’un bois sacré de Tammouz aux environs de Bethléem. Dans la Bible, ce dieu est surtout désigné comme « l’Unique[1]. » Les lamentations funèbres de l’Unique étaient une fête universelle de deuil, surtout parmi les femmes, qui, au milieu des sanglots et des hurlemens des pleureuses, répétaient comme le refrain d’une litanie : « Hélas ! monseigneur ! hélas ! où est sa seigneurie ?[2]. » Ces lamentations étaient passées « en coutume dans Israël. » Ainsi les filles d’Israël pleuraient chaque année pendant quatre jours la fille a unique » de Jephté, adorée comme une déesse par les Samaritains[3].

Mais c’est surtout à Byblos, ville sainte de pèlerinage, parmi ces populations du Liban qui paraissent avoir eu plus de ressemblance avec les Hébreux que les Chananéens de Tyr, de Sidon et d’Aradus, c’est surtout dans la vallée du fleuve Adonis que s’élevaient les sanctuaires les plus vénérés du dieu. Dans une page admirable de sa Mission de Phénicie, M. Renan a décrit ces montagnes du Liban, ces « Alpes riantes, » et la race actuelle du pays de Byblos, vive, éveillée, bonne, sensuelle, où l’on retrouve des « types

  1. Jérém., VI, 20 ; Amos, VIII, 10 ; Zach., XII, 10 ; cf. Chron., XXXV, 25.
  2. Jérém., XXII, 18 ; cf. XXXIV, 5.
  3. Movers, Die Phœn., I, 248.