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actuel, soit pour justifier quelques-unes des combinaisons proposées pour l’améliorer. L’illusion est de croire qu’en le modifiant dans tel ou tel sens on gagnera quelque chose sur l’indifférence ou le découragement des électeurs. On attendait beaucoup du vote à la commune ; il n’a pas donné plus de résultat que le vote au chef-lieu de canton. On prétend même que, sur plus d’un point, il a augmenté le nombre des abstentions. L’esprit de défiance, si naturel aux paysans, s’accommoderait mal de l’obligation de voter sous les yeux de leur maire et des notables de leur commune ; ils seraient plus enclins à s’abstenir que lorsqu’ils avaient à porter leurs suffrages dans une autre localité où ils étaient moins connus. Gagnera-t-on davantage à l’abolition du scrutin de liste ? Les élections municipales à Paris y ont été soustraites et les élections pour les conseils-généraux ne l’ont jamais connu ; la circonscription, pour les premières, a été réduite à sa plus étroite limite, le quartier, elle n’embrasse qu’un canton pour les secondes ; cependant ni les unes ni les autres n’ont vu se produire moins d’abstentions que les élections pour l’assemblée nationale. Le scrutin de liste a de graves défauts, il a du moins cet avantage que les considérations de personnes, n’y ont qu’une importance secondaire. On vote pour le principe ou pour l’intérêt que représente une liste, et quand les opinions ou les passions se prononcent nettement dans un sens ou dans un autre, comme au mois de février 1871 sur la question de la paix, les plus circonspects se laissent aisément entraîner à voter pour des inconnus. Quand des noms propres, sont en jeu individuellement, les antécédens de chaque candidat ses opinions particulières sur tel ou tel point, son caractère et ses mœurs privées, ses relations, sa fortune même, sont l’objet d’autant de points d’interrogation, et quelle que soit la réponse, il est presque impossible qu’elle ne lui fasse pas perdre des voix, qui souvent n’iront à personne. Peut-être serait-il sage, de chercher un moyen terme entre le scrutin de liste, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, et le scrutin entièrement individuel ; mais, quel que soit le mode de votation, l’influence qu’il pourra exercer sur les abstentions sera toujours à peu près insensible.

L’épreuve du suffrage à deux degrés a été faite à plusieurs reprises pendant la première révolution ; elle n’a pas été renouvellé depuis. Il est permis de croire qu’on a commis une grande faute lorsqu’on est sorti brusquement, en 1848, du suffrage restreint sans renoncer en même temps au suffrage direct. Il serait plus difficile aujourd’hui de revenir aux deux degrés. Rien de plus délicat que de toucher à des droits consacrés par une longue jouissance, et ici la jouissance a pour elle près d’un quart de siècle. Nous ne voudrions pas toutefois, après tout le mal qu’a fait le suffrage