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dans des discussions sans fin sur la valeur comparative des divers impôts, et, comme tous les impôts possibles ont leurs inconvéniens, comme d’un autre côté rien n’est plus aisé que d’opposer des chiffres à des chiffres, on a fini par se perdre dans une impasse d’où l’on n’est sorti que par un conflit.

L’erreur première a été, ce nous semble, de ne pas considérer assez ce qu’il y a d’exceptionnel dans les circonstances où nous sommes, de croire qu’il serait possible de faire face à la charge la plus extraordinaire en se servant des ressorts ordinaires de notre système permanent de contributions. Assurément le système d’impôts qui existe en France est un des meilleurs de l’Europe. Il est rationnel, prudemment adapté à toutes les formes de la richesse, et assez élastique pour se prêter au besoin à des nécessités imprévues. C’est un organisme puissant et flexible qui peut suffire à tout ; mais, si flexible et si élastique qu’il soit, il a été fait pour des circonstances ordinaires, ou tout au moins pour des nécessités ne dépassant pas une certaine limite. Si l’on veut tendre tous les ressorts, si dans ce cadre régulier on veut faire entrer la charge la plus extraordinaire qui ait jamais été imposée à une nation, on risque de le faire éclater en quelque sorte, on court le danger d’aller contre son but, de dépasser par des aggravations de taxes démesurées la limite de la production naturelle des impôts ; au-delà, c’est la source même de la richesse qui est atteinte et qui peut être tarie.

Il faut pourtant bien sortir de là, dira-t-on, il faut bien de l’argent. Oui, sans doute, il faut de l’argent, et il en faut immensément ; mais ce n’est plus ici, pour ainsi dire, une question d’impôt ordinaire et de finances, c’est une question de dévoûment national, de sacrifice patriotique et momentané pour payer les frais d’une désastreuse erreur de politique dont nous ne devons pas laisser peser indéfiniment les conséquences sur l’avenir du pays. En d’autres termes, les moyens que nous avons à trouver doivent être extraordinaires comme la charge même à laquelle il s’agit de faire face. L’instinct public l’a senti en quelque sorte : de là ce grand mouvement qui s’est produit depuis quelques jours et qui ne fait que s’étendre. C’est le pays lui-même jetant un cri de patriotisme au milieu des discussions financières, s’offrant à payer pour la délivrance de son territoire, ne demandant qu’une chose : c’est qu’en cela comme dans tout le reste on lui donne une direction. Souscriptions, emprunts, contributions extraordinaires, il est prêt à tout accepter. Assurément cette sorte d’explosion qui vient de se produire est une marque de ce qu’il y a toujours de vitalité dans notre nation ; elle prouve qu’il y a en France autant de bonne volonté que de ressources. C’est un mouvement curieux où toutes les idées se succèdent et se multiplient, depuis la simple et élémentaire souscription nationale jusqu’au projet de M. de Soubeyran, qui propose un emprunt de 4 milliards au moyen d’un sys-