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et Solt, contrée qui a pris le nom de Petite-Koumanie. Ceux qui vivaient aux bords du Volga, fuyant les farouches Mongols, dont les ravages sont racontés dans le Miserabile carmen[1], vinrent s’établir dans le voisinage des comitats de Szabolcs, Bihar, Békes, pays qui a été depuis connu sous le nom de Grande-Koumanie.

N’ayant plus rien à redouter du côté des Koumans, Bâtou attaque les Mordvines, qu’on retrouve encore dans différentes contrées au nord du Volga, et chez lesquels subsistent des traces de l’idolâtrie de leurs ancêtres. Le chef mongol s’empare ensuite, d’une ville célèbre dès la plus haute antiquité, Mourom, patrie d’Ilia Mourometz, un des paladins de saint Vladimir. Le peuple, plus marchand que guerrier, avait fertilisé le pays que les Mongols ravagèrent. Après la prise de Gorokhovetz, Bâtou se dirigea sur la Russie méridionale. Il ruina d’abord Péréjaslavle ; Tchernigov, ancienne ville des Sévériens, conquise par Oleg, et qui est si souvent citée dans les annales de la vieille Russie, succomba également. La riche Kiev excitait avant tout les convoitises des avides Asiatiques. Michel de Tchernigov, qui s’en était rendu maître, était parti pour la Hongrie afin de décider les Magyars à intervenir en faveur des Russes, et Daniel, qui l’avait remplacé, avait aussi pris la route de ce pays, afin d’engager le roi de Hongrie, Bêla IV, à se préoccuper de la gravité des dangers que courait la société chrétienne.

Mangou, petit-fils de Djinghis, fut chargé par Bâtou de faire une pointe sur Kiev. L’aspect de la cité frappa le barbare d’admiration. Il essaya de parlementer avec les Kiéviens, mais ceux-ci massacrèrent ses envoyés. La vengeance des Mongols fut terrible. Les églises, les monumens, même les tombeaux, furent détruits et la population traitée sans miséricorde. Rien n’arrêta plus les Mongols, et les Slaves de l’ouest ne furent pas d’abord plus heureux que les Russes. Lublin, Sancomir, Cracovie, Ratibor, succombèrent successivement, et les chrétiens subirent une déroute complète dans la plaine de Volstad, près de Lignitz (9 avril 1241), Les Magyars ne furent pas épargnés, et la Hongrie fut transformée en désert. L’Occident tout entier tremblait, et Grégoire IX faisait déjà prêcher la croisade, lorsque la mort d’Octaï obligea Bâtou à prendre la route de l’Asie afin de participer à l’élection de son successeur. Comme il ne se pressa pas d’arriver à la Syra Ordou, la veuve d’Octaï, la régente Tourâkinah, fit élire Kuyûk, l’aîné de ses fils, qui reçut des mains de Jean du Plan de Carpin les lettres d’Innocent IV.

Les succès du Rurikovitch qui régnait à Novgorod, l’héroïque et

  1. Ou Histoire de la destruction du royaume de Hongrie faite par les Tartares sous le roi Bêla IV. L’auteur était un chanoine nommé Rogerius.