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projet d’un chemin de fer de Calais à Marseille et de tous autres projets analogues. On sait que l’état est le garant des compagnies. Il leur doit chaque année la somme nécessaire pour parfaire l’intérêt et assurer l’amortissement du capital employé à la construction du nouveau réseau, et cet engagement, qui porte sur un capital de 4 milliards, l’expose au paiement d’une garantie annuelle de près de 200 millions. Toutefois les produits de l’exploitation peuvent couvrir cette garantie ou venir en déduction de la dette, de telle sorte que, plus ils sont élevés, moins il reste à payer par l’état. Les sommes qui sortent ainsi du trésor lui seront remboursées par les compagnies sur les excédans de revenus, et, à défaut d’excédans, sur la reprise du matériel à la fin des concessions. En 1866, le montant des garanties d’intérêt était inscrit au budget pour 38 millions, il atteint 41 millions dans le budget de 1871. Le découvert s’augmentera encore par les avances qui seront faites pour 1872 et les exercices suivans, jusqu’à ce que la garantie devienne inutile.

Dans cette situation, quel est l’intérêt du trésor ? C’est que les compagnies fassent le plus de recettes, le plus de bénéfices possible, d’abord pour que l’état n’ait plus à leur verser le prix de la garantie annuelle, puis pour qu’elles soient en mesure de lui rembourser promptement les sommes qu’il leur a successivement avancées, et qui s’élèvent aujourd’hui à 190 millions. Cet intérêt est si évident, si pressant, que, s’il arrivait à une compagnie de procéder à d’imprudentes baisses de tarif, de faire des dépenses inutiles, en un mot de mal gérer sa concession, le gouvernement aurait le droit et le devoir d’y mettre ordre. L’établissement d’une concurrence ayant pour résultat infaillible de diminuer les recettes, les revenus de la compagnie baisseraient, et ce serait au trésor à payer la différence. Les compagnies de Lyon et du Nord, qui n’ont point encore eu recours à la garantie de l’état, seraient elles-mêmes obligées de l’invoquer, si la concurrence venait leur enlever une portion des recettes de leurs principales lignes. Un créancier qui s’aviserait de diminuer les ressources de son débiteur actuel ou éventuel passerait certainement pour malavisé. Il n’y a pas de raison pour que l’état commette cette faute. Notre situation financière ne comporte pas les aventures.

Ce n’est pas tout. Si l’état admettait une première dérogation au principe de l’intégrité des réseaux, les capitaux n’auraient plus le même empressement pour s’engager à l’avenir dans les opérations de chemins de fer, et la grande œuvre, qui est loin d’être terminée, se trouverait atteinte. Les titres d’obligations se placent avec facilité sur le marché, non-seulement parce qu’ils sont garantis par l’état, mais encore parce qu’ils reposent sur une valeur réputée très