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Je vois, madame de Trémont, que vous voilà en délicatesse à propos de moi avec madame de Louville.

LOUISE

Ah ! vous avez deviné ce que j’allais vous révéler ?

VALROGER

Oui, madame ; j’ai vu qu’en bonne amie vous avez voulu couper le mal dans sa racine.

LOUISE

Le mal ?

VALROGER

Oui ; je venais ici, vous l’avez fort bien compris, pour me venger, n’importe comment, du mépris, de l’aversion que madame de Louville affecte pour ma personne. À présent il n’y aura pas moyen ; vous lui avez trop clairement montré le danger. Et puis vous m’avez rendu ridicule en sa présence, car je n’ai pas vu tout de suite le piège que vous me tendiez. Je dois donc renoncer à ma vengeance ; mais ne triomphez pas trop, j’y tenais médiocrement.

LOUISE

Alors il me reste à vous remercier du pardon que vous accordez aux femmes vertueuses dans la personne de ma jeune amie, et à prendre acte de votre promesse.

VALROGER

Quelle promesse ?

LOUISE

Celle de laisser tranquille à tout jamais cette petite femme qui aime son mari, un mari excellent, un honnête homme que vous connaissez…

VALROGER

Il n’est pas mon ami.

LOUISE

Il le sera bientôt, puisque vous voilà établi dans notre voisinage. Vous chasserez ensemble, vous vous rencontrerez partout, vous l’estimerez, vous verrez que son ménage est heureux et honorable ; mais il n’est si bon ménage où le plus léger propos ne puisse jeter le trouble. Vous êtes un homme dangereux, en ce sens que vous ne pouvez plus faire un pas sans qu’on vous attribue un projet ou une aventure ; mais vous êtes un galant homme quand même, et vous me jurez de renoncer…

VALROGER

Permettez ! Avant de m’engager, je voudrais comprendre…

LOUISE

Quoi ?

VALROGER

Je voudrais comprendre comment, pourquoi, vous, la femme pr