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mal est donc ailleurs, voilà la vérité. Ce n’est point au pays qu’on peut demander d’avoir spontanément une pensée précise, une volonté, une direction ; c’est à l’assemblée nationale et au gouvernement d’avoir pour lui direction et volonté, de débrouiller ce chaos de sang et de ruine où la guerre et la révolution l’ont plongé. Toute la question de la politique française est plus que jamais dans ces deux choses, la cohésion, la décision dans le gouvernement, la formation d’une majorité dans l’assemblée. La difficulté est là précisément, répète-t-on sans cesse, et elle ne peut disparaître que lorsqu’on aura tranché la question souveraine du régime définitif de la France. Soit, qu’on la résolve donc, cette question, si on le peut, si c’est aussi facile, qu’on le croit, si on ne s’aperçoit pas aussitôt qu’on va se heurter contre une difficulté plus insurmontable encore que toutes les autres. Est-ce le dernier manifeste de M. le comte de Chambord qui peut aider à trancher la question dans le sens monarchique ? Assurément rien de plus noble, rien de plus digne en général que les manifestes de M. le comte de Chambord : ils ont seulement un malheur, ils nous transportent dans des régions où la France de 1789, la France telle que l’ont faite les idées modernes, a une certaine peine à se reconnaître : bienheureux encore lorsque ces messages royaux ne sont pas accompagnés de commentaires où se déploie avec candeur la littérature politique la plus étourdissante. C’est la mésaventure qu’a éprouvée le dernier message de M. le comte de Chambord ; il a eu la mauvaise chance de provoquer de la part de quelques députés de l’assemblée de Versailles une adresse du lyrisme le plus étrange : c’est beau, c’est imagé, c’est romantique pour de l’orthodoxie ; mais cela ne fait pas avancer la question. Que voulez-vous ? il y a des hommes qui sont vraisemblablement raisonnables et qui ne trouvent rien de mieux, pour ramener la France à la monarchie, que de lui proposer de se désavouer elle-même, d’effacer son histoire, en lui promettant les doctrines d’avant 1788, le régime des institutions octroyées, avec un supplément de deux ou trois petites guerres en Italie ou en Espagne pour rétablir les bons principes ! Il est à craindre que la royauté ainsi comprise ne soit pas précisément pour la France la providence qu’on suppose, qu’elle ne soit tout simplement qu’un obstacle. Est-ce, d’un autre côté, par la proclamation définitive de la république qu’on peut réussir à remettre la fixité et la certitude dans nos affaires ? Soit, qu’on proclame définitivement la république. M. Ernest Picard paraît être revenu encore une fois de Bruxelles avec un plan que ses loisirs diplomatiques lui ont permis d’étudier, et qu’il a soumis aux plus savantes consultations. Qu’on proclame la république avec le renouvellement partiel de l’assemblée, avec deux chambres, avec une présidence plus ou moins prolongée. Et après, quelle sera la durée de ce définitif ? Est-ce que le pays n’a pas toujours le dernier mot dans ce qui ne sera encore après tout qu’une expérience nouvelle sous une autre forme ? Les républicains sé-