Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perse dans toute la force du terme; nous allons du reste y revenir.

L’un des points où l’influence de la religion mazdéenne est le moins contestable, c’est évidemment la doctrine des anges. Le vieil Israël en avait bien la notion, et, à mesure que l’idée de Dieu s’épura dans les rangs monothéistes, le rôle des anges devint plus marqué. Déjà Ézéchiel, Zacharie, les hommes qui font la transition, les désignent comme les médiateurs ordinaires de Jehovah et des hommes. Zacharie même trahit visiblement des affinités avec les croyances des Perses quand il parle des « sept yeux, » des « sept bras » et des « sept gardes » de Jehovah qui parcourent toute la terre. Il est bien difficile de n’y pas reconnaître les sept ameça spentas (probablement les non-dormans) qui entourent Ahura-Mazda et commandent en son nom l’armée céleste. Un peu plus tard, nous voyons s’introduire en Israël l’idée des anges patrons préposés à chaque nation. Plus tard encore, par exemple dans le livre de Daniel, on les désigne par des noms propres, Michel, Gabriel, etc.; parfois même on découvre encore dans ces noms consacrés par la tradition juive et chrétienne les traces de leur origine perse. Par la même raison, la doctrine des démons, si vague, si peu définie avant la captivité, lorsque Satan, malgré son caractère déjà vicieux, prenait encore rang parmi les « fils de Dieu » ou les anges réunis en cour céleste, s’enrichit merveilleusement par les emprunts qu’elle fait au parsisme. Satan se modèle de plus en plus sur le patron d’Anro-mainyus ou Ahriman. C’est un démon du mazdéisme, Aeshma Daeva, génie des voluptés charnelles, qui s’introduit sous le nom d’Asmodée dans le livre de Tobie. D’autres exemples du même genre peuvent encore être signalés. Il faut en dire autant de la croyance en une vie future, qui devait naturellement germer sur le terrain du vieux mosaïsme à partir du moment où le croyant réfléchirait sur sa relation non plus seulement nationale, mais aussi individuelle, personnelle, avec Dieu. Cependant il est d’une haute vraisemblance que la doctrine très positive du mazdéisme sur la résurrection a dû hâter l’éclosion d’une doctrine analogue parmi les Juifs. Enfin les penseurs juifs purent apprendre des Perses à partager l’histoire du monde en quatre périodes, dont la dernière serait suivie par l’inauguration d’une ère de justice et de félicité. Le livre de Daniel développe d’une manière très semblable cet essai primitif d’une philosophie religieuse de l’histoire.

On peut évidemment assimiler l’influence de la Perse sur le judaïsme à celle d’une atmosphère plus chaude amenée par un courant d’air sur un sol déjà planté, et hâtant le développement de plantes déjà sorties de terre; mais ces plantes existaient déjà. Il est toutefois, nous l’avons déjà fait observer, une fête inconnue des anciens Israélites, devenue très populaire parmi les Juifs, qu’ils