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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/158

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Francfort, et la prime sur l’or est inférieure à 5 pour 1,000. Il y a là un phénomène qui mérite quelque explication. En octobre et novembre derniers, dans la supposition que les 650 millions feraient monter le change et détermineraient la hausse de l’or, des spéculateurs avaient acheté tout le papier disponible sur Londres et autres lieux ; ils en avaient même créé tout exprès au moyen de remises métalliques : de là, tout à la fois rareté du papier et cherté du numéraire. Lorsqu’approcha l’époque des premiers paiemens et qu’on vit le gouvernement à peu près nanti de tout ce dont il avait besoin, les spéculateurs furent obligés de revendre ; le papier fut abondant sur la place et le change baissa, contrairement aux prévisions générales. La spéculation, qui avait fait la hausse en octobre et novembre, a fait également la baisse actuelle. Une autre cause pourtant, d’un caractère tout différent, a contribué à rendre le change plus avantageux : c’est le commerce d’exportation. Aussitôt que les circonstances politiques ont permis la reprise du travail, les demandes ont afflué chez nous de tous les points de l’Europe et du monde entier. Des exportations considérables ont eu lieu, elles se règlent en ce moment : elles créent soit des retours en numéraire, soit des créances à notre profit sur l’étranger ; il a été facile de la sorte au ministre des finances d’obtenir, sans perturbation aucune, ce qui lui manquait pour le paiement des 650 millions.

On peut tout espérer au point de vue financier d’un pays qui, en moins d’un an, au lendemain des plus grands désastres qui aient jamais accablé un peuple, a su trouver, en dehors de ses autres besoins, plus de 2 milliards à donner à l’ennemi, sans embarras sérieux, par le seul fait de son activité industrielle et commerciale. Les Anglais sont très fiers de leur richesse et du développement qu’a pris leur commerce extérieur depuis un certain nombre d’années ; ils montrent qu’il s’est élevé en dix ans, entre 1859 et 1869, de 7 milliards 775 millions à 11 milliards (il dépasse aujourd’hui 12 milliards). C’est un progrès de 37 pour 100. Eh bien ! en France, la proportion est plus forte encore malgré les déclarations de ceux qui prétendent que les traités de 1860 ont ruiné notre pays. Le commerce général extérieur, de 5 milliards 1/2 qu’il atteignait en 1859, s’est élevé à plus de 8 milliards en 1869. L’augmentation est de 45 pour 100. Le progrès est le même, sinon plus grand, en ce qui concerne le commerce spécial.

Veut-on savoir maintenant quelle somme d’épargne nous pouvions réaliser chaque année à l’époque qui a précédé la guerre ? L’Economist anglais, recueil des plus autorisés en matière financière, calculait en 1862, d’après l’augmentation de la richesse soumise à l’impôt sur le revenu, que l’économie annuelle de la Grande-Bretagne devait être au moins de 3 milliards 250 millions ;