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le commerce extérieur était alors de 9 milliards 1/2. En France, nous n’avons pas les mêmes bases pour évaluer notre épargne ; l’income-tax nous manque, et aucun renseignement n’y peut suppléer. On peut cependant, sans entrer dans de longues recherches, prendre pour élément d’appréciation le commerce extérieur et raisonner ainsi : les Anglais en 1862, avec un commerce extérieur de 9 milliards 1/2, ont économisé 3 milliards 250 millions. La France, dont le commerce avant la guerre était de plus de 8 milliards, a pu épargner, en observant la même proportion, 2 milliards 800 millions, et ce chiffre ne paraîtra pas excessif, si on ajoute, ce que chacun sait, que notre pays, à production et richesse égales, économise plus que ses voisins. D’ailleurs, si le commerce extérieur de l’Angleterre est plus important que celui de la France, notre trafic intérieur vaut bien le sien, et lui est même supérieur, selon toute apparence, en raison de notre population, qui est plus forte. Il n’est donc pas téméraire de supposer que le capital s’accroissait chaque année avant la guerre de près de 3 milliards. Depuis que le travail a pu recommencer, l’épargne a repris son cours. Que peut-elle être aujourd’hui après huit mois d’activité nouvelle ? Il est difficile de le dire. Ce qui est certain, c’est que le mouvement du commerce extérieur a été considérable, qu’il a déjà réparé beaucoup de brèches faites à la fortune publique, et que, grâce à son constant progrès, nous pouvons espérer de trouver la rançon de notre sol avant le terme de 1874.

Sans vouloir décourager le mouvement national dont nous sommes témoins, nous craignons qu’il ne soit prématuré. Tant que nous n’aurons pas achevé de payer le quatrième demi-milliard et que les versemens sur le dernier emprunt ne seront pas terminés, — et ils ne le seront pas d’ici à quelques mois malgré les escomptes, — il serait imprudent de songer à une autre grosse opération financière. Gardons-nous d’augmenter nos difficultés en surchargeant inutilement notre marché ; d’ici à quatre ou cinq mois, il n’y a rien à faire qu’à laisser grandir nos ressources, s’élever notre crédit. Vers juillet ou août seulement, lorsque nous aurons achevé nos premiers paiemens et reformé de nouvelles économies, nous pourrons songer aux moyens de nous procurer les trois derniers milliards. Nous n’aurons pour cela qu’à emprunter librement sur le marché en offrant un intérêt suffisant et en faisant appel à tous les capitaux, à ceux du dehors comme à ceux du dedans. Ce qui est trop lourd pour un pays ne l’est pas pour plusieurs. Tout se réduit à la question des garanties que nous avons à offrir aux capitaux étrangers, et là-dessus le doute n’est pas possible. On a vu avec quel empressement ils ont répondu à notre premier appel l’année dernière, au lendemain de nos désastres ; ils y répondraient mieux encore