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tant au moment du rappel des anciennes lois restrictives prévoit et frappe suffisamment chacun des actes qu’on veut punir. Dans le cas négatif, le recours à des clauses additionnelles est indispensable. On a rappelé avec raison, dans la discussion de 1864, que, lorsque l’assemblée législative voulut en 1849 régler l’exercice du suffrage universel, des peines spéciales furent inscrites dans la loi électorale contre « ceux qui par voies de fait, violences ou menaces contre un électeur, l’auront déterminé ou auront tenté de le déterminer à s’abstenir de voter, ou auront soit influencé, soit tenté d’influencer son vote. » On trouverait dans nos codes bien des exemples pareils qui n’ont jamais motivé de réclamations. Pourquoi envisager autrement le sujet qui nous occupe ?

Les critiques qui portent sur l’obscurité et l’ambiguïté de la loi de 1864 nous paraissent mieux fondées ; on se souvient des orages qu’ont soulevés sur les bancs de la gauche des expressions mal définies comme celle de « manœuvres frauduleuses » introduites dans le texte de la loi, le maintien de l’article 416, qui conservait le délit « de défenses, proscriptions, interdictions prononcées par suite d’un plan concerté, » et qui, mal interprété, pouvait faire tomber presque toutes les coalitions sous le coup du code pénal. On avait le droit de craindre qu’une loi ainsi formulée ne fût qu’une concession apparente, fertile en dangers pour ceux qui voudraient en faire usage. Le mot de « piège » fut même appliqué au projet gouvernemental ; ni les déclarations des auteurs de ce projet, ni la pratique de la loi n’ont pu dissiper la mauvaise impression produite dès l’origine. Il y a là d’utiles changemens à réaliser. Il faut ôter à la loi tout caractère équivoque, supprimer les expressions vagues. La rédaction de l’article 414 est peu claire et pourrait être précisée[1]. L’aggravation de peine contenue dans l’article 415 n’est pas suffisamment motivée. Par contre, la punition beaucoup plus légère portée par l’article 416 contre « les amendes, défenses, proscriptions, interdictions, prononcées par suite d’un plan con-

  1. « Art. 414. Sera puni d’un emprisonnement de six jours à trois ans et d’une amende de 16 francs à 3,000 francs, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque à l’aide de violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, aura amené ou maintenu, tenté d’amener ou de maintenir une cessation concertée de travail, pour forcer la hausse ou la baisse des salaires ou porter atteinte au libre exercice de l’industrie ou du travail.
    « Art. 415, Lorsque les faits punis par l’article précédent auront été commis par suite d’un plan concerté, les coupables pourront être mis, par l’arrêt ou le jugement, sous la surveillance de la haute police pendant deux ans au moins et cinq ans au plus.
    « Art, 416. Seront punis d’un emprisonnement de six jours à trois mois et d’une amende de 16 francs à 300 francs, ou de l’une de ces deux peines seulement, tous ouvriers, patrons et entrepreneurs d’ouvrage qui à l’aide d’amendes, défenses, proscriptions, interdictions prononcées par suite d’un plan concerté, auront porté atteinte au libre exercice de l’industrie ou du travail. »