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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/223

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ils étaient dans leur droit, puisque rien de définitif n’existe en France, et que l’assemblée s’est réservé le pouvoir constituant. Après cela, les promoteurs de cette entreprise nous permettront de le dire, ce qu’ils ont fait ou ce qu’ils ont tenté n’était ni bien sérieusement politique, ni parfaitement opportun. Ils se sont trompés sur les moyens, sur le but, sur les circonstances. Ils ont oublié surtout qu’en politique on fait ce qu’on a le pouvoir de faire, et rien de plus, — qu’en allant au-delà on risque de compromettre la cause même qu’on sert. Si les monarchistes de l’assemblée se sentaient la force constituante sans laquelle rien n’est possible, ils avaient un moyen très simple, très net, ils n’avaient à attendre aucun mot d’ordre : c’était à eux de prendre résolument l’initiative, de trancher la question, de préciser les conditions du rétablissement de la royauté, et de présenter ensuite ces conditions aux princes appelés à être la personnification de la souveraineté en France, S’ils ne se sentaient pas ce pouvoir, ou si par des raisons d’opportunité ils ne croyaient pas devoir l’exercer, ce qu’ils avaient de mieux à faire, c’était de s’abstenir complètement, d’éviter un bruit inutile. Ils ne devaient ni envoyer des émissaires à Anvers auprès de M. le comte de Chambord, ni laisser croire à un effort décisif qui les place aujourd’hui dans une situation difficile et délicate peut-être, dans la situation d’hommes qui ont voulu tenter un grand coup et qui n’ont pas réussi.

Oui sans doute, à ne consulter que l’intérêt national, sans tenir compte des divergences d’opinions, la monarchie aurait pu offrir des avantages au lendemain de nos désastres. Elle pouvait rendre à la France le service qu’elle lui avait déjà rendu une première fois en 1815, à cette époque où notre pays se relevait si promptement. Encore est-il bien clair que la seule monarchie désormais possible en France serait la monarchie constitutionnelle, libérale, qui n’est, à tout prendre, que le gouvernement du pays par le pays, avec la fixité et la permanence dans le pouvoir souverain. La pire des illusions serait de se figurer qu’on va remonter le courant d’un siècle et reconstituer le passé. C’est là malheureusement ce que ne semblent pas toujours comprendre M. le comte de Chambord et ceux qui passent pour être les organes les plus fidèles de sa pensée. On parle avec eux de monarchie, on se trouve aussitôt en face d’une sorte de pontificat royal et théocratique, venant se placer au milieu de toutes les choses contemporaines sans paraître soupçonner le mouvement d’une époque, sans même tenir compte des plus cruelles, des plus douloureuses nécessités du pays. Il faut convenir qu’on a d’étranges façons de populariser le rétablissement de la royauté, en nous laissant entrevoir des perspectives bien faites pour encourager les esprits qui hésiteraient encore. La restauration de la monarchie en France, c’est la restauration nécessaire du pouvoir temporel du pape, on ne le cache pas. On le répétait l’autre jour en Belgique dans l’entourage de II. le comte de Chambord. Ge n’est pas tout à fait la restauration du