Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/450

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

actifs en dehors de la circulation et de les incorporer dans les objets de la propriété. Économiquement, sous le rapport de la circulation, l’épargne et la dépense, quoique différentes en plusieurs points importans, sont presque la même chose. Un million épargné et un million dépensé entrent également dans la circulation, il faut toujours qu’ils soient transformés en main-d’œuvre et en produits. « Un théorème fondamental relatif au capital, dit M. Stuart Mill, c’est que, bien qu’épargné et le résultat fondamental de l’épargne, le capital est cependant consommé. Le mot épargne ne signifie pas que ce qui est épargné n’est point consommé, ni même que la consommation est différée; il implique seulement que, s’il est consommé immédiatement, il ne l’est point par celui qui l’a épargné. Si l’épargne est employée comme capital, elle est au contraire toute consommée, seulement ce n’est pas par le capitaliste; une partie est payée aux travailleurs productifs, qui la consomment pour leurs besoins quotidiens, et si à leur tour ils en épargnent une certaine quantité, on ne saurait dire qu’elle soit entassée, elle est employée de nouveau comme capital. » Ainsi l’accumulation du capital et de l’épargne, qui en est la source, n’est pas à redouter tant qu’il se trouvera des consommateurs, car ils sont l’un comme l’autre consommés, détruits et reformés à perpétuité pour le service privé et plus encore pour le service de la communauté entière; la difficulté réside toujours dans les limites de la consommation.

Tout ce que le travail antérieur du sol a créé de capital, de valeurs, d’utilités, de crédit et d’instrumens de production, estimé à 145 milliards environ pour la France, donne à 5 pour cent 7 milliards de salaires et de produits qui, multipliés par le commerce et activés par le crédit, suffisent à une masse de transactions lucratives. Celles-ci fournissent un bénéfice définitif dont la source principale réside dans la faculté qu’ont les capitalistes de pouvoir être payés au vingtième des fonds ou des instrumens qu’ils fournissent. Produit, travail, richesse et salaire seraient donc quatre termes forcément liés, solidaires et égaux entre eux sans écart possible. On se trouve ainsi conduit à l’idée d’une équivalence théorique au moins entre les forces économiques ou sociales et les différentes séries de la richesse dans un cercle logique où tout se trouve compensé, d’où rien ne peut sortir et où rien ne peut se perdre. En physique, la science n’a-t-elle pas établi l’équivalence permanente des forces naturelles? D’ailleurs tout ce qui est un vrai contre-sens tend à disparaître; nous voyons au contraire le capitaliste grandir et se multiplier de nos jours, parce qu’il vit des services qu’il rend et non des peines d’autrui qu’il atténue. Si le capitaliste, au lieu d’être un secours utile et nécessaire dans le