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peu habité. Néanmoins on ne doutait pas un seul instant à Mexico du triomphe des armes fédérales. La destruction des fils télégraphiques et l’insécurité des routes empêchèrent la capitale de connaître au jour le jour la marche des événemens ; les bruits les plus contradictoires circulaient à chaque moment sur les progrès de l’insurrection. Les uns disaient que l’armée d’Alatorre fondait à vue d’oeil par suite des nombreuses désertions, les autres soutenaient que Diaz avait été abandonné de ses partisans et qu’il ne tarderait pas à être pris. En attendant, Aguas-Calientes, Durango, Zacatecas, Coahuila, Puebla, Vera-Cruz, passaient dans le camp porfiriste. La garnison de Mazatlan (Sinaloa) avait fait son pronunciamiento le 17 novembre, en proclamant comme gouverneur provisoire un négociant de la ville, auquel succédèrent trois autres gouverneurs jusqu’à l’arrivée du général Marquez, qui prit définitivement possession du pouvoir. À Guaymas, le colonel Jésus Leyva s’était emparé de la place, avait vidé les caisses publiques et levé de fortes contributions, après quoi il était parti avec une bande de 300 hommes pour mettre la main sur les mines d’Alamos, dont la garnison, forte de 400 hommes, s’enfuit à l’approche des insurgés. Cependant le gouverneur de Sonora eut vent de cette expédition ; il se porta à la rencontre de Lejva, le battit, et le fit fusiller avec dix-huit officiers.

Une autre complication surgissait dans la Basse-Californie. Du temps de Maximilien, M. Romero, l’agent du Mexique à Washington, avait vendu à une compagnie américaine, moyennant 1,500,000 francs, tous les terrains de la péninsule qui appartenaient à l’état. La compagnie s’était empressée d’y envoyer quelques centaines de colons, qui avaient fondé une ville dans la baie de la Madeleine, avaient foré des puits artésiens pour amener de l’eau dans ces déserts de sable, avaient découvert des mines de cuivre, et s’étaient créé un article d’exportation par la récolte de l’orseille, que l’on trouve ici sur les roches nues en plus grande abondance que nulle part ailleurs. Les steamers de la malle du Pacifique transportent les récoltes à Panama, d’où elles sont expédiées à New-York. Malgré ces ressources variées, la colonie ne prospérait pas. Le salaire des ouvriers était peu élevé, et les 160 acres que la compagnie offrait à chaque settler nouveau perdaient leur attrait lorsqu’on voyait qu’elle n’avait pas les moyens d’aider les colons à s’y établir. Beaucoup de ces colons quittèrent donc la ville naissante pour aller soit à San-Francisco, soit à La Paz, où ils sont à la charge des autorités locales. La compagnie alors voulut rejeter la responsabilité de son échec sur le gouvernement mexicain, l’accusant d’avoir entravé l’immigration et d’avoir excité les indigènes contre la colonie. De son côté, le gouvernement commençait à comprendre le danger qu’il y avait à laisser s’établir au cœur de la Basse-Californie, connue autrefois au Texas, un nombre considérable d’Américains, et il songeait à faire annuler le contrat de ces-