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évêque Memnon si fameux par ses intrigues et ses violences lors du procès de Nestorius, c’est-à-dire vers 431, vivait un clerc de la même église nommé Bassianus, riche de patrimoine, et qui depuis sa jeunesse avait eu pour principal soin le soulagement des pauvres. Il avait construit de ses deniers un vaste hôpital où il entretenait soixante-dix lits pour les indigens, les malades et les infirmes. Aussi le peuple l’estimait et l’aimait. Cette charité néanmoins était suspecte à plusieurs, surtout dans le clergé, on l’accusait de servir de masque à une ambition sans mesure ; Memnon alla jusqu’à craindre que Bassianus n’essayât de le supplanter quelque jour sur le siège épiscopal d’Éphèse. Pour prévenir une entreprise de ce genre, il résolut d’éloigner Bassianus de la ville en l’envoyant comme évêque dans un lieu reculé de sa juridiction. Il ourdit à ce sujet un petit complot avec plusieurs clercs de son entourage. Un matin donc qu’il était à l’autel avec eux et Bassianus, il fit saisir celui-ci par les autres, et voulut lui imposer les mains pour le faire évêque d’Évase, ville obscure de la province d’Asie. Le clerc protesta et se débattit ; la lutte, d’après sa déclaration, dura depuis neuf heures jusqu’à midi, et fut si vive qu’ayant été blessé il souilla de son sang l’autel et le livre des Évangiles. Memnon cependant persista, et, quand sa victime fut épuisée d’efforts, il prononça sur sa tête les paroles sacramentelles ; Bassianus était évêque d’Évase. Il protesta toujours cependant qu’il n’avait point consenti et ne consentait point, et il ne parut jamais dans son église. Sur ces entrefaites, Memnon mourut ; Basile, qui le remplaça, releva Bassianus de son siège d’Évase en y envoyant un autre évêque, mais il ne le releva pas de son ordination forcée, et lui conserva la dignité épiscopale. Bassianus passa quelques années à Éphèse, continuant à faire comme évêque sans église, ou évêque vacant, c’était l’expression reçue, le bien qu’il faisait auparavant comme simple clerc.

Une lutte d’autorité existait alors entre le clergé d’Éphèse et le patriarche de Constantinople, celui-ci se prétendant le droit d’ordonner les évêques d’Asie, et le clergé revendiquant ce droit pour lui-même, soutenu en cela par les magistrats de la ville, les possesseurs de terres et le peuple, non moins jaloux que le clergé des privilèges électoraux de la cité. Or Basile avait été ordonné par le patriarche de Constantinople Proclus, et son intronisation n’avait pas eu lieu sans troubles graves et effusion de sang. A sa mort, arrivée en 444, le clergé voulut prendre sa revanche et faire ordonner le successeur avant que le patriarche de Constantinople eût été informé de la vacance. Bassianus, avec qui il s’était réconcilié, était sous sa main ; il le choisit, et plusieurs évêques furent mandés en toute hâte de la province pour procéder à une