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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/519

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ordination qui ne souffrait point de retard. Des évêques mandés, il n’en vint qu’un, Olympius de Théodosiopolis ; les autres s’abstinrent par crainte de se compromettre vis-à-vis du patriarche de Constantinople, dont les empiétemens de juridiction, croissant d’année en année, faisaient trembler tous les évêques sur leurs sièges. Ils se rappelaient en effet la terrible expédition de Jean Chrysostome en Asie, à propos de cette même ville d’Éphèse, lorsque, usurpant le rôle de grand justicier dans un diocèse qui n’était pas le sien, il avait expulsé quinze évêques d’un seul coup et en avait institué autant d’autres à leur place. Olympius, arrivé donc à l’appel du clergé éphésien, attendit vainement pendant trois jours les collègues qui devaient l’assister, et, las d’attendre, se disposait à repartir, lorsqu’un soir il voit son logis cerné par une troupe considérable de gens, la plupart armés, et que dirigeait, l’épée à la main, un officier nommé Holosericus. Sur l’ordre de cet officier, on force la maison, on s’empare d’Olympius, et à la lueur des flambeaux on le conduit ou plutôt on l’emporte jusqu’à la basilique, occupée par une troupe non moins considérable et non moins tumultueuse. Bassianus s’y trouvait installé déjà sur le trône de l’évêque. Comment y était-il venu ? Il alléguait une violence faite à sa volonté par le clergé et le peuple ; mais une enquête faite ultérieurement ne justifia guère son assertion. Placé à son côté et sommé par la foule de lui imposer les mains, Olympius eut beau protester de l’irrégularité d’une telle ordination ; il la fit, et Bassianus fut institué évêque d’Éphèse à la pointe de l’épée. Telle est la version la plus vraisemblable des faits ; mais Bassianus la niait : tout s’était passé, disait-il, avec calme et régularité ; il n’y avait eu de violences faites qu’à son désintéressement.

Autour de lui, dans le clergé et parmi les notables, on propagea la même version par une entente commune, afin d’enlever à l’archevêque de Constantinople tout prétexte à intervenir. Toutefois on n’empêcha pas des bruits contraires d’arriver à ses oreilles, et, Bassianus s’étant rendu dans la ville impériale, le patriarche lui refusa sa communion. Le nouvel exarque d’Éphèse était riche ; il était habile, il se mit bien en cour. Théodose lui-même daigna intervenir pour rétablir la paix entre les deux évêques, et Proclus, qui. gouvernait alors le siège de Constantinople, inscrivit Bassianus sur ses diptyques. Celui-ci, rentré, dans Éphèse, remplit les fonctions épiscopales pendant quatre ans sans interruption ni obstacle, ordonna un très grand nombre de prêtres et sacra jusqu’à dix évêques.

On ne vivait pas longtemps en paix dans la glorieuse cité d’Éphèse ; son église non plus ne connaissait guère que des trêves