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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/550

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chambres les plus pacifiques se croyaient obligées de les faire retentir dans leurs adresses au roi le moins guerrier. Les derniers discours de la dernière chambre des députés de la monarchie de juillet étaient encore un encouragement au mouvement national italien, qui précédait la révolution de 1848 en attendant qu’il en reçût un nouvel élan. Toute la doctrine des nationalités était formulée dans nos chambres aux applaudissemens de l’opinion. Les plus grands orateurs fomentaient du haut de la tribune française les revendications des Italiens, les invitant à s’unir contre l’Autriche, et faisant luire à leurs yeux le patronage, si ce n’est le secours de la France[1].

Cette attitude du libéralisme français eut une influence capitale sur le neveu de Napoléon. Il était dans l’âge où les idées et les tendances se décident pour la vie. De l’exil ou de la prison, il suivait toutes les manifestations de l’opinion, s’attachant surtout au parti républicain et à la gauche parlementaire comme à ses alliés naturels. On n’a point assez remarqué cette influence de l’opposition de 1830 à 1848 sur l’esprit de Napoléon III. Pour les affaires intérieures, comme pour les affaires étrangères, elle fut considérable, et ce n’est point par un pur hasard que son règne appela aux affaires plus d’un membre de l’ancienne gauche des chambres de Louis-Philippe. A beaucoup d’égards, l’empereur Napoléon III demeura toujours un homme de l’opposition de 1830 à 1840. Ce fut l’atmosphère politique de sa jeunesse, et dans les tendances de son règne se retrouve plus d’une trace des principales écoles de cette époque, depuis celle du National jusqu’à celle des saint-simoniens. C’était dans l’opposition de ce temps que le jeune ambitieux cherchait à deviner les instincts et les besoins de la France, et, comme toute opposition, elle ne les lui montrait que par un côté. En possession de la liberté politique, le pays n’en faisait pas tout le cas qu’elle méritait. Comme d’ordinaire, la partie remuante du public se montrait surtout préoccupée de ce qui paraissait manquer, — de l’influence extérieure et de l’élargissement de nos institutions dans un sens plus démocratique. Le prince Louis-Napoléon s’habituait à croire que c’étaient là les premiers, les seuls besoins de la France. Attentif à étudier ce qu’on reprochait à Louis-Philippe et ce qui pouvait amener sa chute, il crut le trouver au dehors dans la timidité de sa politique, au dedans dans le règne exclusif de la bourgeoisie censitaire. Il se persuada qu’une des principales faiblesses de la monarchie de juillet, c’était qu’elle ne donnait pas au sentiment national une satisfaction suffisante. De la prison de Ham, il comparait la politique du roi Louis-Philippe, alors si souvent rapproché de Guillaume III, à la politique des Stuarts, et lui prédisait

  1. Voyez les séances de la chambre des députés de janvier et février 1848.