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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/554

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retour d’un certain nombre des territoires que nous avait, enlevés la coalition.

Des cinq grandes puissances de l’Europe, la France était la seule qui parût n’avoir rien à craindre du principe nouveau. Aucune de ses provinces ne prétendait à l’indépendance politique ou à une nationalité étrangère : toutes se sentaient heureuses et fières d’être françaises, et nulle plus que celle de race ou de langue germanique. Il en était tout autrement de ses rivales. Les trois grandes monarchies militaires, Russie, Autriche et Prusse, liées par le démembrement de la Pologne, n’en détenaient les débris que par la force. Toutes trois eussent vu leur territoire diminué par la résurrection d’une Pologne indépendante, et cette dernière eût été de toute nécessité l’alliée obligée de la France. L’Autriche, notre ancienne rivale, devait se retirer de l’Italie, et, pour ne point périr, puiser une nouvelle vie dans la Hongrie et les diverses nationalités de son empire. La Grande-Bretagne, si elle ne pouvait perdre entièrement l’Irlande, devait lui accorder une demi-indépendance, et dans les îles ioniennes, à Malte ou à Gibraltar, elle détenait des possessions que le principe nouveau pouvait l’obliger de rendre à elles-mêmes ou à leur patrie naturelle. Des grandes puissances la France était donc la seule que l’émancipation des nationalités laissât intacte dans son unité, et sa grandeur relative se trouvait accrue de tout ce que perdaient les autres. Tel était le tableau flatteur qui se présentait à l’imagination des patriotes de 1830. On ne soupçonnait point alors que l’idée de nationalité devait aboutir à celle d’unité, et que par là, sur les frontières de notre pays, pouvaient se reformer des états non moins vastes et plus compactes que ses anciens rivaux. Comment l’eût-on deviné, alors que le mouvement unitaire de l’Italie et de l’Allemagne dans la révolution de 1848 n’a point suffi à nous l’apprendre, et que, même achevée, l’unité politique de ces deux pays rencontre encore chez nous tant d’incrédules et d’imprudens défis ?

Si le mouvement national amenait nos voisins à une concentration plus intime, il nous offrait par là même une occasion d’agrandissement. L’unité, comme l’indépendance, ne saurait être obtenue sans luttes civiles ou étrangères. Pour acquérir l’une ou l’autre, les peuples opprimés ou morcelés auraient besoin du secours ou de la tolérance de la France. Comment les nations limitrophes ne s’estimeraient-elles point heureuses de nous payer de la restitution de quelques-uns des territoires que nous avait enlevés la sainte-alliance ? Ce plan, d’une simplicité spécieuse, était loin d’être nouveau ; il était naturellement suggéré par la position géographique de la France et le morcellement des peuples voisins. Aider un état italien ou allemand à s’agrandir au-delà des Alpes ou