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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/560

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carrières. S’il savait dans quelle direction il voulait s’avancer, il est douteux qu’il ait jamais vu quelle route il devait suivre et jusqu’où il pouvait aller. C’était là un premier et grave défaut capable à lui seul de compromettre toute l’idée napoléonienne. Il en devait résulter des hésitations, des tâtonnemens, faits pour dérouter les peuples et les princes qu’eussent rassurés un plan net, une marche inflexible vers un but déterminé. A l’intérieur comme à l’étranger, l’incohérence des vues ou de l’exécution devait justement dépopulariser une politique qui se montrait dépourvue de ce qu’il y a de plus essentiel, l’esprit de suite.

La netteté dans les vues, la fermeté dans l’exécution, étaient d’autant plus indispensables au second empire, qu’en soi l’idée fondamentale de sa politique contenait un germe de menaçante contradiction. Les deux conditions essentielles du renouvellement de l’Europe selon l’idée napoléonienne, l’agrandissement de la France et la constitution des nationalités, n’étaient point inconciliables ; elles pouvaient même se servir de moyen l’une à l’autre, mais seulement dans une certaine mesure, jusqu’à un point donné au-delà duquel elles devaient fatalement se heurter. Où était cette limite ? Tel était le problème que l’empereur avait à résoudre. Si, au lieu de l’aider à s’étendre sur le Rhin en même temps que vers les Alpes, le mouvement national par lui encouragé ne lui permettait que d’insignifiantes acquisitions, le second empire s’en devait-il contenter ? Ce n’était point tout. Derrière la question des frontières possibles en surgissait une autre plus grave encore. Si, en ne lui offrant que de maigres compensations, les peuples voisins se réunissaient en masses compactes comme la France, ou même en corps de nation plus considérables qu’elle par le territoire et le nombre des habitans, le devait-on supporter ? N’y avait-il pas là pour notre pays, au lieu d’un agrandissement réel, un affaiblissement relatif ? À ces questions capitales, il eût fallu, avant de se lancer dans l’action, une réponse catégorique, définitive, qui, coupant court à tout malentendu, écartât tout déboire et tout danger de contradiction.

D’abord l’héritier de Napoléon ne se méprenait-il pas sur l’importance des agrandissemens que permettait à la France le principe nouveau qu’il appelait comme auxiliaire de sa grandeur ? Une fois adopté, ce droit de nationalité obligeait la France comme les autres peuples à renoncer à tout accroissement artificiel ou imposé à ceux qui en étaient l’objet. Loin de lui promettre, à elle ou à toute autre nation, une prépondérance marquée, l’application de ce droit devait établir entre les peuples une sorte d’égalité démocratique. Avec le principe de nationalité, plus de grande nation, de nation soleil, comme en rêve parfois l’auteur des Idées napoléoniennes. Ce droit même dont il se fait le prophète, il ne sait pas en tirer