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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/561

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une théorie simple et précise ; il ne le saura jamais. Comme le vulgaire, il le confond souvent avec des idées accessoires qui peuvent le fausser au profit de toutes les ambitions. Tantôt c’est avec le système des limites naturelles, théorie qui n’a de rigoureuse exactitude que pour quelques peuples favorisés, qui pour les autres a le défaut de substituer aux nationalités historiques, fondées sur la conscience populaire, des circonscriptions géographiques arbitrairement déterminées et contradictoirement discutées par les états limitrophes. Tantôt, comme dans la célèbre circulaire signée par M. de Lavalette en 1866, c’est avec la théorie des grandes agglomérations, autre conséquence fréquente du principe de nationalité, mais qui, poussée à l’extrême, se met en opposition avec lui, en faisant violence au sentiment autonome des petits peuples d’origine mêlée placés au confluent des grandes nations. Ailleurs encore, dans ses premiers écrits ou dans ses derniers manifestes, Napoléon III, à l’exemple de Henri IV, a l’air de se préoccuper surtout du vieux principe de l’équilibre et, selon les traditions de l’ancienne politique, de le chercher dans des combinaisons artificielles entre les états, au lieu de l’appuyer sur l’égale satisfaction du sentiment national des peuples. Chacune de ces confusions, chacun de ces points de vue tour à tour adoptés selon les besoins d’une politique embarrassée devait lui fournir un nouveau motif de réclamer les agrandissemens qu’il attendait de la reconstitution européenne.

Ainsi le vague des idées impériales se retrouvait partout, dans la théorie comme dans les moyens d’exécution. Ces divers prétextes de conquêtes plus ou moins pacifiques laissaient le champ libre à l’ambition et à la fortune ; mais moins le but était circonscrit, moins il avait de chance d’être atteint. Pour mettre à profit la crise où le mouvement national de l’Italie et de l’Allemagne allait jeter l’Europe, il aurait fallu que la France eût nettement déterminé ce qu’elle pouvait équitablement réclamer de ses voisins, et, le moment venu, qu’elle sût résolument se le faire accorder. Loin de là, se perdant en de nuageuses perspectives, trouvant les acquisitions aisées trop mesquines ou trop chères, et les autres trop risquées ou prématurées, Napoléon III laissa passer l’occasion et négligea les combinaisons praticables pour des espérances chimériques. L’indécision a été le trait dominant de son caractère, la marque habituelle de sa politique au dehors comme au dedans. A demi cachée pendant les premières années, cette fatale disposition s’est de plus en plus laissé voir pendant les dix dernières. La pensée de Napoléon III semblait se complaire à ne se fermer aucune voie. Il aimait à tenir son choix en suspens jusqu’au dernier moment, et, après avoir longtemps pesé le pour et le contre, il lui arrivais ; , comme à un joueur fatigué de calculer en vain les chances, de