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par-devant l’official de Paris. Dans l’une, il proteste que les poursuites qu’il a faites et qu’il entend faire contre la mémoire de Boniface et contre ses fauteurs ne viennent d’aucune haine qu’il ait à leur endroit ; qu’il n’est leur ennemi qu’en tant que la religion l’oblige à être l’ennemi de leurs péchés ; qu’il désire leur amendement ; mais que, s’ils ne viennent à résipiscence, il est bon qu’ils soient châtiés par justice pour éviter le scandale. Tout ce qu’il a fait ou dit, tout ce qu’il fera ou dira, il l’a fait, dit, il le fera, dira, par pur zèle de la gloire de Dieu, du bien de l’église, de son droit et du bien public. Quatre nouveaux actes furent passés le même jour devant l’official, par lesquels Nogaret donne procuration à Bertrand d’Aguasse, noble homme et chevalier, 1° pour procéder en son nom par-devant le saint-siège, lui Nogaret n’y pouvant aller en personne ni répondre à l’assignation qui lui a été donnée par feu le pape Benoît ; 2° pour demander un lieu de sûr accès où lui Nogaret puisse faire ses réquisitions contre la mémoire de Boniface, ses fauteurs et ses adhérens, ainsi que se défendre sur les violences faites audit Boniface et sur le vol du trésor de l’église ; 3° pour récuser tous les juges qu’il croira devoir écarter, et pour recevoir en son nom toute sorte d’absolution, soit du saint-siège, soit de tout autre juge compétent, absolution qui en aucun cas ne portera préjudice aux poursuites contre la mémoire de Boniface. Nogaret prend les plus grandes précautions pour qu’on ne retourne pas contre lui ses inquiètes démarches. Sa pleine innocence sera reconnue ; mais « le propre des âmes pures est de craindre la faute même où il n’y en a pas ; » c’est par suite d’un excès de délicatesse de conscience qu’il vient lui-même s’offrir à la discipline de la sainte église, quoiqu’il n’ait mérité d’elle que des remercîmens.

Ce fut enfin vers le même temps que Nogaret composa ses Allegationes excusatoriœ, morceau assez éloquent, bien que sophistique, et plein d’intérêt pour l’histoire de l’épisode d’Anagni. On peut supposer que cette rédaction fut destinée à être portée au saint-siège par Bertrand d’Aguasse. Après avoir de nouveau exposé ses efforts pour convertir Boniface, l’auteur raconte comment le roi, témoin de son zèle, l’envoya en Italie pour traiter avec les amis de l’église. « Alors je me rendis dans ces parages, et je travaillai fidèlement à l’affaire qui m’était confiée ; mais Boniface ne voulut rien entendre. L’assemblée (du 15 juin) et toute l’église de France adhéra à mon appel, comme il est constaté par des documens légitimes. J’avais pour mission de publier en Italie la procédure ouverte par le roi et de provoquer la réunion du concile, ce que je ne pus exécuter alors à cause du péril de mort où me mirent les embûches de Boniface ; je ne pus même avoir un sûr accès auprès de sa personne, quoique j’eusse fait pour cela tout ce que