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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/757

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que nation et puissance politique. Il est certain que la France de Louis XIV n’a rien fait pour qu’il en fût autrement. Les vives sympathies qu’on professa pour nous au temps de la première république furent bien tristement déçues par l’annexion sous l’empire. Bien qu’aujourd’hui les Hollandais aient pris très volontiers leur parti de la séparation de la Belgique, on ne peut pas ranger le rôle assumé par la France dans la révolution belge parmi les causes qui auraient pu modifier les sentimens héréditaires. Enfin, tant que dura le second empire, toujours inquiets des intentions mystérieuses d’un pouvoir irresponsable en fait et dont les menées, sourdes ou avouées, troublaient continuellement la tranquillité du monde, les Hollandais s’endurcirent dans leur défiance de la puissance française. Les insignes maladresses de la politique impériale, qui se donna tous les torts apparens de la rupture en 1870, fournirent de magnifiques argumens à ceux qui nous représentaient comme un peuple sans principes, toujours prêt à déchaîner le fléau de la guerre sans motif sérieux. Si la Hollande fut active et généreuse dans l’organisation de ses ambulances volontaires, ce fut par humanité pure, nullement par sympathie prononcée pour l’une ou l’autre des parties engagées. Depuis notre désastre de Sedan, il est vrai, quand on vit que la Prusse, bien loin de s’arrêter comme elle aurait pu et dû le faire conformément à ses déclarations officielles, ne songeait qu’à pousser ses avantages jusqu’au bout ; quand on comprit clairement qu’elle voulait faire elle-même ce qu’elle avait si vivement reproché à la France, une guerre de conquête, un revirement visible s’opéra en notre faveur. Les partisans de l’Allemagne en furent même alarmés, et il y eut une brochure politique publiée tout exprès par l’un des plus distingués sous ce titre : Le bon Droit de l’Allemagne, même après Sedan. Elle ne fit guère de conversions ; mais de cette désillusion à de franches sympathies il y avait encore loin, et, il faut le dire, les sanglantes absurdités de la commune d’une part, les tendances réactionnaires et cléricales attribuées à la majorité de l’assemblée nationale de l’autre, n’ont pas été de nature à relever la France dans l’estime d’un peuple aussi libéral dans ses institutions qu’ami de l’ordre et du bon sens pratique.

Nous venons de parler des tendances cléricales que, pendant tout l’empire et sous la république actuelle, on a imputées à la France et au gouvernement français. N’est-il pas déplorable que, dans tout le nord de l’Europe, sans parler du midi, les hommes éclairés, fort alarmés depuis quelques années des progrès de la réaction ultramontaine, en soient réduits à se féliciter de l’attitude hardie prise par M. de Bismarck à l’encontre de ce qu’on appelle désormais avec lui « l’Internationale noire ? » Qui jamais leur eût prédit qu’ils