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remarquant que de telles choses ont été écrites d’hommes si justes, si saints, je suis oppressé à l’excès, les pleurs m’étouffent, mon gémissement ne cesse, mon cri s’élève continuellement vers Dieu et vers vous, père très pieux, quiètes son vicaire… »

Il proteste alors que le pape Benoît a commis à son égard une erreur de fait, par crasse ignorance (crassissima ignorantia) de la justice de sa cause, en le sommant de venir entendre sa condamnation. Il prie Clément de déclarer cette procédure nulle, de peur que quelques personnes, ignorant la vérité, ne soient scandalisées en lui, et par conséquent ne tuent leurs âmes. « Pécheur, ajoute-t-il, mais innocent des crimes dont on m’accuse, voulant d’ailleurs suivre l’exemple des saints et prévenir le reproche de négliger ma renommée, je supplie, je demande, je postule et requiers avec larmes et gémissemens, à mains jointes, à genoux, avec des prières réitérées, que par intérim et avant toute chose me soit accordé par votre sainteté le bienfait de l’absolution à cautèle. »

Il refait ensuite pour la vingtième fois le récit de l’incident d’Anagni. Boniface, avant qu’il fût pape, était hérétique contumace incorrigible. Nogaret se trouva obligé, quoique particulier (non pourtant simple particulier, étant chevalier, titre qui oblige à défendre la république et à résister aux tyrans), il se trouva, dis-je, obligé de défendre sa patrie menacée. Il l’a fait avec tant de modération que Boniface lui-même a été forcé d’avouer, en présence de plusieurs personnes, que les choses que Nogaret avait accomplies a Domino facta erant, et, qu’en conséquence, il lui remettait toute la faute que lui et les siens pouvaient avoir commise, les déclarant absous de toute sorte d’excommunications, au cas où ils en auraient encouru. Le pape Clément doit donc bien voir qu’il mérite récompense, ayant été ministre de Dieu pour exécuter une chose nécessaire, d’où s’est ensuivi le salut du roi, du royaume et de l’église ; telle est aussi l’opinion de tous les hommes saints et sages qui l’ont aidé dans cette entreprise. N’écoutant que les ennemis de Nogaret et les fauteurs de Boniface, Benoît s’est trompé et l’a lapidé pour une bonne œuvre, qui était d’arrêter un contumace afin de le livrer à son juge. Les formalités d’ailleurs ne furent pas observées dans la citation de Benoît. Enfin Dieu s’est prononcé en sa faveur : touché de l’injustice dont était victime son bon serviteur Nogaret, Dieu a vengé par un beau miracle l’innocence méconnue. Au jour que Benoît avait fixé pour publier son jugement, et toutes choses étant préparées, l’échafaud dressé, les tentures étalées, le peuple assemblé sur la place de Pérouse, devant l’hôtel papal, Dieu frappa le malheureux pontife. Benoît tomba malade, ne put prononcer la sentence et expira peu après, de même que, dans un cas semblable,