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discernement de ce qu’il devait à saint Pierre et de ce qu’il devait à son roi. » Ce n’est qu’en ces derniers temps qu’on a vu se produire la tentative de réhabiliter pleinement Boniface. Malgré le talent qu’on y a mis, cette tentative eût mieux réussi, si l’on n’avait pas prétendu trop prouver, ériger Boniface en un saint pontife, et faire de lui un martyr de la grandeur du siège romain.

Rainaldo da Supino échappa comme Nogaret aux conséquences terribles que son acte aurait entraînées à d’autres époques. Le 29 octobre 1312, nous le trouvons à Paris donnant quittance au roi de 10,000 florins petits de Florence, touchés sur les associés des Peruzzi à Carcassone, comme prix du concours qu’il avait donné à l’exécution de la capture de Boniface, pour lui et ses amis en compensation telle quelle des dépenses qu’il avait faites à cette occasion. Il y raconte l’incident d’Anagni, naturellement selon la version de Nogaret. Nogaret ne pouvait exécuter sa commission sans risque de mort ; « alors il eut recours à nous, enfans dévoués de l’église romaine. » Il reconnaît la fidélité avec laquelle Nogaret a tenu ses engagemens, les peines qu’il s’est données, les frais qu’il a faits avec l’aide du roi. C’est en voyant les peines et les anxiétés que s’imposait ledit sieur Guillaume pour la délivrance commune, en même temps les périls qu’il courait, les dépenses qu’il faisait, que Rainaldo s’est joint à lui. Il reconnaît du reste que la somme qu’il touche n’implique nullement que le roi soit responsable de ce qu’on a pu commettre d’illicite. Il déclare que lui, son frère Thomas, la commune de Ferentino, le capitaine de cette commune, tous les nobles de la campagne de Rome tiennent le roi et Guillaume pour quittes de leurs promesses. On remarque parmi les témoins Guillaume de Plaisian, Jacques de Peruches, Philippe Vilani. Les relations des Villani avec les Peruzzi et avec Philippe le Bel sont un fait qu’il ne faut pas oublier quand on lit le récit du célèbre chroniqueur Jean Villani sur les rapports du roi avec l’Italie et avec la papauté.

L’affaire de la mémoire de Boniface revint encore au concile de Vienne en 1312. Philippe avait toujours demandé que la question fût déférée à un concile. Dans la lettre de renonciation au procès d’Avignon, datée de Fontainebleau (février 1311), le roi reprend son idée, et nous avons vu que les bulles du 27 avril 1311 sont conçues de manière à permettre à l’affaire de se renouer. Des critiques, tels que le père Pagi, ont nié qu’il ait été question de la mémoire de Boniface au concile de Vienne, se fondant sur ce que l’affaire avait déjà été terminée en avril 1311 à Avignon, et sur ce que plusieurs des narrateurs de la vie de Boniface s’en taisent. Les actes de ce concile n’étant pas venus jusqu’à nous, on ne peut opposer à cette opinion une autorité irréfragable ; mais il est impossible de ne pas ajouter foi à Villani, à saint Antonin, à