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l’enseignement druidique se font envahisseurs, et conquérans. Tout leur héroïsme ne suffit point à former une nationalité solide. L’instabilité de la famille s’y oppose avec ce qu’elle entraîne d’habitudes errantes, de résistance envers les autorités traditionnelles, de mépris de la prudence et de la discipline. Rome, qui recueillait les fruits des habitudes et des vertus opposées, devait vaincre ce peuple, livré à l’excès de l’individualisme et à de profondes divisions. Il y a là des traits d’analogie qui feraient trembler, si on ne se rassurait un peu en se disant que depuis ce temps-là la France n’a pas laissé de faire une assez belle figure dans le monde.

La famille-souche vient enfin ; parlons-en avec respect. Elle conjure les dangers et réunit les avantages des deux autres régimes, Elle est favorable à la conservation et au progrès. Dans ce système, un des enfans, marié près des parens, vit en communauté avec eux et perpétue avec leur concours la tradition des ancêtres ; les autres enfans s’établissent au dehors, quand ils ne préfèrent pas garder le célibat au foyer paternel. Voilà le type que M. Le Play nous propose, et qu’il déclare supérieur aux deux autres par le mode adopté pour la transmission du foyer où la famille se réunit, de l’atelier où elle travaille et des biens mobiliers qu’elle crée par l’épargne. Dans la famille ainsi constituée, les parens associent à leur autorité celui de leurs enfans adultes qu’ils jugent le plus apte à pratiquer de concert avec eux, puis à continuer après leur mort l’œuvre commune. Ce n’est pas, on le voit, nécessairement le régime de l’aînesse ; c’est une sorte de délégation faite au plus capable. Les parens, pour lui faire accepter une vie de dépendance et de devoir, l’instituent à l’époque de son mariage héritier du foyer et de l’atelier. Ils placent d’ailleurs au premier rang des devoirs imposés à leur associé l’obligation d’élever les plus jeunes enfans, de leur donner une éducation en rapport avec la condition de la famille, enfin de les doter et de les établir selon leurs goûts. Aucun trait de cette organisation, dont nous empruntons la description à l’auteur, n’est à négliger. Dans ce régime, le testament du père est la loi suprême de la famille pendant le cours de chaque génération. Il confère le gouvernement de la famille à la mère après la mort du testateur. L’auteur affirme, et il s’efforce de le démontrer par plus d’une de ces monographies auxquelles il s’est consacré avec tant de zèle, que ce régime est l’institution par excellence des peuples sédentaires, qu’il s’y manifeste par des avantages inappréciables, qu’il règne avec ces bienfaisans caractères dans les états Scandinaves, le Holstein, le Hanovre, la Westphalie, la Bavière méridionale, le Salzbourg, la Carinthie, le Tyrol, les petits cantons suisses, le nord de l’Italie et de l’Espagne, et qu’il est encore représenté en