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puis lorsqu’aucun ne vint plus à l’assemblée. La réunion avait un caractère tout à fait dogmatique. L’empereur désirait qu’une définition nette et précise du mystère de l’incarnation fût faite par le concile, soit pour l’apaisement des consciences, soit afin de donner à l’état une règle dans son action législative. Théodose II avait rendu une loi eutychienne en prescrivant l’adoption du faux concile d’Éphèse : cette loi, Marcien l’avait abolie, mais que mettrait-il à la place? Quel dogme imposerait-il à son tour comme étant le critérium de la foi catholique? Il demandait une formule à l’assemblée de Chalcédoine, comme jadis le grand Constantin en avait demandé une à la première assemblée œcuménique sur le mystère de la trinité. Marcien sans doute eût été heureux d’attacher à son nom la gloire d’une définition sur un dogme aussi important que l’incarnation, de même que Constantin avait attaché le sien à celui de la consubstantialité dans les trois personnes divines. Celles de ces raisons qui pouvaient peser sur le concile, les magistrats les exposèrent dès l’ouverture de la séance; mais elles ne touchèrent point les évêques, peu soucieux de s’embarquer dans des discussions très délicates en elles-mêmes, impossibles peut-être avec une assemblée de six cents membres divergens d’intérêts ou d’opinions. «A quoi bon, disaient-ils, une chose aussi périlleuse qu’une définition nouvelle? Les anciens pères n’avaient-ils pas laissé sur l’ensemble des dogmes des expositions de foi qu’il fallait suivre? Que si des hérésies récentes avaient créé le besoin d’éclaircissemens plus complets, ils avaient été donnés, d’abord contre Nestorius par la seconde lettre de Cyrille, puis contre Eutychès par la lettre de Léon à Flavien. Il fallait s’en tenir là, si on ne voulait envenimer les discordes au lieu de rétablir la paix. D’ailleurs un canon des pères interdisait formellement tout symbole nouveau ou exposition nouvelle sur la foi; on ne pouvait contrevenir à ce qui était désormais une loi de l’église. » Les évêques faisaient allusion à ce décret du premier concile d’Éphèse si traîtreusement interprété par Dioscore contre Flavien.

Malgré ces argumens, qui dénotaient au fond chez les évêques une grande timidité provenant de la divergence des sentimens, les magistrats insistaient : « la définition, suivant eux, était nécessaire comme règle à l’action de l’état; l’empereur aussi la voulait, » et ils proposèrent de nommer une commission qui préparerait un projet que l’on discuterait plus tard à l’assemblée générale; mais les évêques n’y consentirent pas davantage. « En tout cas, s’il y a quelque chose à faire, dit à ce sujet Florentins de Sardes, ce que pour mon compte je ne crois pas, il faut nous laisser le temps de réfléchir. » Repoussés encore sur ce point, les magistrats invitèrent les évêques à se concerter comme ils voudraient pour une résolution commune, et à se réunir dans ce dessein chez le patriarche de Constantinople,