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là et que j’adjure le concile de mettre en lieu de sûreté, pour les garantir des violences de Dioscore et de ses satellites. »

Le deuxième plaignant, diacre comme le premier, et comme lui familier de la maison de Cyrille, qui l’avait chargé de plusieurs missions importantes par terre et par mer, s’était vu honteusement chasser à l’avènement du nouveau patriarche, à qui les hommes de confiance de son prédécesseur étaient tous suspects ou odieux. Il se nommait Ischyrion. Sa requête contenait les détails les plus étendus sur les vols publics et privés commis par Dioscore et sur le scandale de ses mœurs. Elle racontait comment, les églises de Libye ayant obtenu de l’empereur une part annuelle dans les blés de l’annone à cause de la stérilité de leur sol, qui ne fournissait pas toujours assez de grains pour la nourriture des étrangers et des pauvres, pour le service des oblations sacrées, Dioscore avait réclamé son droit d’en faire lui-même la distribution en qualité de chef ecclésiastique, et, ce prétendu droit lui ayant été reconnu, il avait fait emmagasiner les blés au fur et à mesure de leur délivrance, non pour les distribuer, mais pour les garder et les vendre à son profit dans les temps de cherté, si bien que plus d’une fois les églises de Libye en manquèrent pour le sacrifice non sanglant. Comme fait particulier de fraude et de détournement, la requête citait celui d’une noble matrone nommée Péristérie, qui avait légué par testament une grande quantité d’or aux monastères, aux hôpitaux et aux pauvres de la province d’Egypte, legs confisqué par Dioscore et distribué par lui aux danseuses et aux baladins du théâtre. « Les mauvaises mœurs, la luxure, les débauches du révérendissime personnage, ajoutait le diacre Ischyrion, sont de notoriété publique, comme ses vols. Toute la province les connaît; les femmes impudiques d’Alexandrie fréquentent l’évêché et font leurs délices des bains de l’évêque, principalement la courtisane Pansophia, surnommée la Montagnarde, Cette femme et l’archevêque son amant sont la fable du peuple de la ville; on tient mille propos à leur sujet, et il en résulte souvent des rixes et même des meurtres. » Un détail personnel au plaignant fait voir à quel usage le patriarche employait sa milice monastique et ses ensevelisseurs de morts. « Ayant démérité de lui, écrivait-il, j’ai vu lancer sur le petit héritage qui me faisait vivre une troupe de moines et d’autres individus armés pour le détruire. Ma maison de ferme a été incendiée, mes arbres fruitiers coupés à la racine, ma terre mise en friche. Non content de cela, Dioscore voulut me faire tuer, chargeant une bande de clercs, ou plutôt de larrons, de lui apporter mon cadavre après ma mort. » Ischyrion s’était sauvé, avait été repris, jeté en prison, puis enfermé dans un hôpital d’estropiés, car il avait gagné à ces persécutions des infirmités incurables. Il offrait, comme le précédent, de