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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/91

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fournir des témoins, même parmi les domestiques de l’archevêque.

On passa au troisième, le plus important, car c’était le neveu de Cyrille, le prêtre Athanase. « Mon frère Paul et moi, disait-il dans sa requête, étions neveux du bienheureux Cyrille, fils de sa sœur Isidora. Par son testament, il laissait à son successeur, quel qu’il fût, plusieurs legs considérables, le conjurant par les saints mystères de protéger sa famille, loin de lui faire aucun tort. Dioscore toutefois, au début de son épiscopat, nous menaça de la mort, mon frère et moi, si nous réclamions la moindre parcelle de cet héritage, et, par une persécution incessante, nous força tous de quitter Alexandrie, pour aller chercher à Constantinople la protection qui nous manquait chez nous. Le patriarche en effet effrayait les magistrats, et tous se taisaient devant lui; mais sa haine nous suivit à Constantinople. On nous calomnia près du ministre Nomus et de l’eunuque Chrysaphius, qui gouvernait tout alors et partageait avec lui le fruit de ses rapines. A notre arrivée, nous fûmes appréhendés au corps, jetés en prison, mis à la torture, jusqu’à ce que nous eussions donné tout ce que nous apportions avec nous; nous fûmes même obligés d’emprunter plusieurs sommes à gros intérêt. Mon frère est mort de privations et de souffrance, et je suis demeuré avec sa femme, ses enfans et nos tantes, chargé des dettes de la famille et n’osant pas nous montrer, tant nous étions tous misérables. Cependant, de peur qu’il ne nous restât une retraite, Dioscore a jeté son dévolu sur nos maisons pour en faire des églises; il a même enfermé dans le terrain ecclésiastique la mienne, qui est à quatre stades des autres et dont la situation ne convient point à un tel usage. Non content de cela, il m’a déposé de la prêtrise sans aucun sujet, et depuis sept ans nous sommes errans, poursuivis tant par nos créanciers que par Dioscore, n’ayant pas même la liberté de demeurer dans les églises ou dans les monastères. Je m’étais réfugié dans celui de la Métanée, à Canope, qui a de tout temps été un asile : Dioscore, ne pouvant m’en arracher, a défendu que je pusse user du bain public, ni acheter du pain ou aucune autre nourriture, de sorte que, pour ne pas mourir de faim, j’en suis sorti volontairement, et maintenant je suis réduit à mendier avec deux ou trois esclaves qui me restent. Les sommes qui ont été exigées de nous, tant de notre bien que des emprunts que nous avons faits, montent environ à 1,400 livres d’or et ont passé dans les mains de nos persécuteurs. Tel est le destin des sœurs du bienheureux Cyrille, nos tantes, de la veuve de mon frère et de ses enfans orphelins. »

La dernière requête était celle d’un laïque, Sophronius. Elle témoignait que, si le patriarche se montrait indulgent pour lui-même en fait de mœurs, il n’était pas moins complaisant pour les vices des autres. Sophronius, à ce qu’il paraît, était mari d’une fort belle