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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/920

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complimens réciproques, chacun. ’d’eux rappelle aux spectateurs le vers de La Fontaine :

Honteux comme un renard qu’une poule aurait pris.

Champlion et Catherine de Birague sont les lions de la pièce. Ils remplissent le troisième acte et une partie du second : c’est là qu’est l’intérêt de la comédie. M. Emile Augier a tiré de ces deux rôles un excellent parti : lui seul peut-être était capable de le faire. Il y a un troisième lion, et celui-là élevé par les renards, qui ne s’attendaient pas à se voir trahis par leur protégé, par l’enfant de leur prédilection. Ces étourdis aimables qui se trouvent avoir le cœur haut placé ont toujours réussi à M. Augier. Adhémar de Valtravers est une sorte d’Eliacin, de séminariste dont on a mal deviné la vocation : il est beaucoup mieux conçu que celui qui se faisait à peine tolérer dans le Fils de Giboyer. Point d’hypocrisie : sa nature franche et joyeuse s’échappe librement dès qu’on lui met la bride sur le cou. Tandis que les conspirations se trament péniblement pour lui faire épouser Catherine de Birague et ses millions, il s’accorde en secret avec celle-ci pour faire échouer un mariage dont ils ne veulent ni l’un ni l’autre. C’est là un personnage de plus pour disputer notre intérêt, mais un motif da moins pour nous attacher à l’action. Non-seulement celle dont on demande la main la refuse, mais celui pour qui on la demande y renonce tout d’abord.

Il est facile, on le voit, de reconnaître dans Lions et Renards la tournure d’imagination de M. Augier, la veine de ses conceptions, qui n’est pas tarie et qu’il pourrait développer au grand avantage de notre théâtre, dont il est un soutien considérable. Ce qui manque à Lions et Renards, c’est un intérêt plus élevé. On nous permettra un rapprochement qui montre avec clarté ce qu’il nous semble qu’on peut attendre de l’auteur.

Le sujet de la comédie de M. Augier est presque le même que celui de Nicomède. Mettez à la place du prince, dans la pièce de Corneille, un voyageur enthousiaste et courageux, un héros de la géographie ; mettez une jeune fille, libre et fière autant qu’elle est riche, à la place d’une princesse qui veut un grand homme pour mari. Rapetissez, mais beaucoup, l’ambassadeur romain Flaminius, qui à jeté ses vues sur Laodice, et la dispute à Nicomède ; peut-être pourra-t-il atteindre à la bassesse de d’Estrigaud. La reine Arsinoé, qui tend des pièges à Nicomède pour le perdre, est déjà plus d’à moitié une comtesse de Prévenquière. Au sénat romain, qui ne veut pas du mariage de Nicomède, substituez la société religieuse de M. de Sainte-Agathe. Vous avez un Adhémar tout trouvé :