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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 avril 1872.

Le malheur ne serait qu’une odieuse et inutile brutalité de la fortune, s’il ne laissait pas dans les âmes un sentiment plus sévère des choses, si on ne sortait pas des épreuves les plus dures corrigé, éclairé et tout au moins affranchi de quelques-unes des néfastes influences qui nous ont perdus. À quoi servirait d’avoir souffert, si on n’apprenait rien, Si le lendemain, comme la veille, on devait se retrouver avec la même passion des meurtrières animosités de parti ou avec le même goût des vaines et décevantes déclamations ? C’est pourtant ce qui arrive quelquefois, et ce qui ne laisse pas d’être un des caractères du moment présent.

Qu’est-ce en effet que cette étrange affaire où un homme, qui a eu la douloureuse et périlleuse responsabilité de représenter son pays au moment le plus difficile, s’est vu réduit à venir disputer la dignité de sa vie et de son nom à toutes les animosités, à toutes les récriminations ? Le général Trochu aurait pu sans doute se dispenser de céder à une provocation trop visible ; il s’est laissé aller, il a fait un procès pour se défendre devant un jury parisien d’avoir trahi l’empire au 4 septembre, d’avoir trahi Paris pendant le siège des Prussiens, d’avoir commis un assassinat en envoyant la garde nationale au combat, — et le jury a prononcé, le jugement a dit qu’on avait outragé, qu’on n’avait pas diffamé l’ancien gouverneur de Paris en l’accusant d’avoir été un incapable ou un traître. Outrage ou diffamation, le verdict peut faire toutes les distinctions qu’il voudra ; au point de vue politique, c’est une seule et même chose. Ce qu’on a voulu manifestement, c’est profiter de l’occasion pour tenter un coup de parti, pour exercer des représailles contre un chef militaire qu’on croit plus que tout autre coupable de la chute de l’empire, pour faire en quelque sorte violence à l’histoire en essayant d’accabler un homme sous le poids de passions vengeresses. Malgré tout, et c’est là le dernier mot, la moralité de ce singulier et triste procès, l’homme n’a point été accablé, l’empire n’a point été réhabilité.

Ce qui reste évident au contraire, après ces débats où tout a été pas-