de plus implacable, cela passait pour une fantaisie sans conséquence, c’était de l’art pour l’art, une façon d’éloquence qui n’était point sans doute la véritable éloquence, mais qui en imposait par une certaine prestidigitation. Parler pendant trois heures pour ne rien dire, en caressant des instincts, des infatuations et des rêves dans un auditoire complaisant, c’était un spectacle qui semblait faire partie de la politique telle qu’on la comprenait. Aujourd’hui la déclamation n’est plus de circonstance, la phrase a perdu son prestige, et quand elle persiste à s’étaler glorieusement comme si rien ne s’était passé, elle froisse un sentiment intime. Elle forme un tel contraste avec la réalité des choses qu’elle ressemble à une choquante inconvenance. On aura beau dire, ce n’est pas avec des mots et des exhibitions vaniteuses qu’on guérira le mal qui a été fait. La politique, et la meilleure politique aujourd’hui, le vrai rôle de ceux qui ont une certaine part dans la direction des affaires publiques, c’est de revenir simplement à l’étude des faits, de parler obstinément le langage d’une raison sévère, d’être enfin des hommes sérieux qui comprennent la situation de leur pays, — et voilà pourquoi M. Gambetta s’est trompé tout au moins d’époque en allant à Angers recommencer, au profit d’une importance sans emploi, le cours de ses exhibitions et de ses amplifications.
Que M. Gambetta se fût rendu à Angers ou dans toute autre ville, non pas comme un phraseur en voyage, mais comme un homme public soucieux de se rapprocher de ses électeurs, de s’entretenir avec eux de ce qu’il a fait, de ce qui reste à faire pour hâter la solution nécessaire des questions qui intéressent le pays, c’eût été au mieux assurément. C’est un spectacle qui est offert chaque jour en Angleterre, et qui rehausse la vie anglaise en lui communiquant l’animation et la force d’une liberté sérieusement, régulièrement pratiquée. Ce n’est malheureusement ici rien de semblable. M. Gambetta est allé à Angers pour se poser en chef de parti, pour placer un discours qui le tourmentait, et il n’a pas vu qu’il s’exposait à ce que, par un sentiment assez naturel de curiosité, on lui demandât ce qu’il a fait depuis qu’il est membre de l’assemblée nationale, quelle part sérieuse, décisive, il a prise aux discussions publiques, aux travaux de commissions qui occupent incessamment la chambre. Ce qu’il a fait ? c’est bien simple, il n’a rien fait absolument. Certes les occasions n’ont pas manqué. Depuis des mois, on est à l’étude de tous les moyens possibles de relever notre situation financière, de mettre la France en mesure de porter l’accablant fardeau de dettes et de charges auxquelles la dictature de Bordeaux n’est point étrangère. On a mis en présence tous les systèmes d’impôts, toutes les combinaisons, les débats les plus substantiels et les plus instructifs se sont déroulés devant l’assemblée. Où est la trace de l’intervention de M. Gambetta ? On s’est occupé de la politique commerciale de, notre pays, tous les problèmes d’administration intérieure ont été agités, une réforme de la magistra-