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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/969

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ture a été discutée, les questions les plus graves de diplomatie se sont produites. Qu’a dit et qu’a fait M. Gambetta en tout cela ? Lui qui sait si bien « profiter d’une circonstance, » qu’il va chercher à Angers, il trouve bon de laisser échapper pendant six mois toutes les occasions qui se succèdent incessamment autour de lui. Il n’a point d’opinion sur les finances, sur l’administration, sur la magistrature, sur la politique commerciale, sur la politique extérieure, ou, s’il intervient une fois par hasard, c’est par quelque fausse tactique qui nuit à la cause qu’il veut servir. Il laisse les autres poursuivre les besognes difficiles ; puis vient un jour de vacances, et il s’en va au loin porter un discours, lancer des sarcasmes d’un goût douteux contre cette assemblée qui a au moins le mérite de savoir bien des choses qu’il ignore, de faire le travail qu’il ne fait pas.

Encore si M. Gambetta disait dans les discours qu’il réserve pour ses voyages ce qu’il ne dit pas à l’assemblée, ce ne serait qu’un demi-mal, il y aurait quelque compensation. Malheureusement la déception est ici plus grande que jamais, car enfin ce discours d’Angers, en quoi consiste-t-il ? C’est une amplification sonore et rien de plus, c’est une déclamation perpétuelle aussi vide d’idées que retentissante et prétentieuse dans l’expression. Des questions qui ont une véritable importance pour le pays, M. Gambetta ne dit rien ou presque rien ; mais en revanche il parle de la république, du fleuve républicain qui coule à pleins flots, des vertus et des services du parti républicain. Un ensemble d’idées politiques, un programme de gouvernement, on ne l’aperçoit pas. Nous nous trompons peut-être, M. Gambetta a quelques idées, il a même une certaine philosophie assez étrange et aussi vide que son éloquence. Il a révélé à ses convives d’Angers que « les peuples ne périssent jamais par des convulsions intérieures, par des luttes de partis, » — et le moment, on en conviendra, est singulièrement choisi pour promulguer de telles vérités, lorsque l’édifice de la grandeur française tremble sur un sol qui s’effondre, lorsqu’au bout de quatre-vingts ans de « convulsions intérieures » et de « luttes de partis, » on se trouve en présence d’un démembrement de la patrie, lorsque notre unique pensée, si nous gardons une étincelle de dévoûment à notre pays, doit être de réparer les ruines accumulées par ces luttes et ces convulsions !

Que veut dire ce représentant de la république en tournée avec ses grands mots sur le silence qui se fait autour des peuples, sur la nécessité de « l’expansion et du rayonnement au dehors ? » Essayez donc de relever la France au dedans, de raviver en elle la flamme, la généreuse flamme des pensées supérieures et des sentimens désintéressés, avant de lui parler de ce « rayonnement au dehors, » qui a été une des formes de sa puissance, que toutes les révolutions de la force ont affaiblie par degrés ! Après cela, M. Gambetta est quelquefois plus gai sans le vouloir. Il est tout prêt à trouver que les Allemands ont quelque raison de