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Tous les évêques en masse répétèrent : « Qu’ils signent la lettre du pape et qu’ils anathématisent Eutychès ! » Alors Hiéracus, leur chef, prit la parole et dit : « Quiconque professe des doctrines contraires à ce que nous exprimons dans notre requête, fût-ce Eutychès lui-même, nous l’anathématisons ! Quant à la lettre du très saint pape de Rome, les évêques savent qu’en toute chose nous attendons l’avis de notre bienheureux archevêque ; nous supplions donc votre clémence d’attendre que nous ayons reçu cet avis, car les trois cent dix-huit pères de Nicée ont ordonné que toute l’Égypte se conformerait à la conduite de l’archevêque d’Alexandrie, et qu’aucun évêque ne ferait rien sans lui. — C’est faux, s’écria l’impétueux Eusèbe de Dorylée, ils mentent ! — Qu’ils montrent la preuve de ce qu’ils avancent ! » dit Florentins de Sardes. Les évêques criaient de tous côtés : « Anathématisez Eutychès ! Qui ne souscrit pas la lettre que le concile a approuvée se déclare hérétique ! — Anathème à Dioscore et à ceux qui l’aiment ! — Si ces gens-là ne sont pas orthodoxes, comment ordonneront-ils un évêque ? — Voyez, disait Paschasinus, voyez des évêques de cet âge, qui ont vieilli dans leurs églises, et qui connaissent si peu la foi catholique qu’ils attendent l’opinion d’un autre pour se décider ! » Effrayés par l’animation de l’assemblée, les Égyptiens crièrent enfin : « Anathème à Eutychès et à ceux qui le suivent ! »

Toutefois on les pressait toujours de souscrire la lettre de Léon sous peine d’excommunication. Hiéracus prit de nouveau la parole. « Les évêques de notre province, dit-il, sont nombreux, et nous sommes trop peu pour nous porter garants de nos frères. Nous supplions donc votre grandeur et tout le concile de nous avoir en pitié, car, si nous faisons quelque chose sans notre archevêque, tous les évêques d’Égypte s’élèveront contre nous, comme ayant violé les canons. Ayez pitié de notre vieillesse ! » Alors se passa une scène étrange, la plus étrange de toutes celles qu’eût encore présentées ce concile, si rempli d’incidens. Tous ces évêques, quittant leurs places et gagnant le milieu de la nef vis-à-vis des magistrats, se prosternèrent la face contre terre en disant : « Ayez merci de nous, ayez pitié ! — Le concile œcuménique est plus digne de foi que tous les évêques d’Égypte ensemble, criait Cécropius de Sebastopolis ; il n’est pas juste d’écouter dix hérétiques au mépris de tant d’évêques orthodoxes. Nous ne leur demandons pas de déclarer leur foi pour d’autres, mais pour eux-mêmes. » Les Égyptiens n’écoutaient plus rien et semblaient affolés de terreur. On n’entendait sortir de leur bouche que ces mots entrecoupés : « Nous ne pourrons plus rester dans la province, ayez pitié de nous ! » À quoi Eusèbe de Dorylée répondait : « Ils sont les représentans de toute l’Égypte, il faut