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dignité de la nation. Les pétitions poussaient évidemment à une intervention, directe pour l’époque où elle deviendrait possible ; en attendant, elles étaient un acte d’hostilité contre l’Italie, et personne ne s’y est mépris. Qu’importe aux ultramontains ? qu’est-ce que la patrie et ses mesquins intérêts comparés à la suzeraineté pontificale ? La campagne du pétitionnement a été conduite avec autant d’habileté que d’ardeur ; le mot d’ordre a été donné d’un bout de la France à l’autre. Les signatures ont afflué par milliers. Les instituteurs ont été sommés de faire signer les enfans des écoles, et il a fallu une circulaire ministérielle pour arrêter ce beau zèle dans les départemens de l’ouest Quand on faisait remarquer aux ecclésiastiques bien pensans que, d’après la loi, les signataires d’une pétition doivent être majeurs, ils répondaient que la majorité en religion commence à la première communion, et que la foi n’a ni âge ni sexe. C’est ainsi qu’on est arrivé pour ce premier pétitionnement à un chiffre de plus de 50,000 signatures.

La discussion qui eut lieu à l’assemblée le 22 juillet 1871 se termina, on s’en souvient, par le renvoi des pétitions au ministre des affaires étrangères, après des explications qui étaient à ce renvoi toute importance politique. Aussi, dès le lendemain de la séance, un nouveau pétitionnement a commencé. Il avait un objet plus précis. Les signataires, au nombre de près de 70,000, demandaient formellement que la France se refusât à envoyer un. ambassadeur à Rome. Parlons franc, cela signifiait la rupture diplomatique avec l’Italie, par conséquent l’hostilité avouée. Si l’on en doutait, on n’a qu’à lire la lettre envoyée l’automne dernier au saint-père par les quarante-six députés de l’assemblée nationale qui avaient pris l’initiative du mouvement. C’est une véhémente protestation contre les « usurpations sacrilèges de l’Italie » et une adhésion absolue à la doctrine des encycliques. La manifestation des comités catholiques de l’Europe, à la tête desquels est placé le comité français, n’est pas moins significative. Leur députation a été reçue par le saint-père le 20 janvier. L’adresse présentée par eux était une amende honorable pour l’apostasie des gouvernemens qui ont envoyé leurs ambassadeurs dans la ville éternelle auprès d’un autre souverain que le pape.

La seconde pétition, malgré les nombreuses signatures qu’elle a réunies, n’a pu obtenir jusqu’ici un débat public. Les rapports des diverses commissions auxquelles les pétitions catholiques avaient été envoyées étaient prêts. L’un d’eux, le plus important, avait été communiqué au nonce du pape, qui lui avait donné son entière approbation. On sait aujourd’hui quelle en était la teneur ; le rapporteur concluait à ce que l’assemblée votât l’ordre du jour dans les