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L’aspect de Londres, le mouvement et l’exubérance de la population le frappèrent comme au temps de son premier voyage. Dans ce rajeunissement de ses impressions anciennes, le regard du diplomate ne se refroidit pour aucun des attraits qui l’avaient séduit en 1698. « J’ai été étourdi de l’affluence du peuple, comme un provincial qui arrive au Pont-Neuf à Paris, lequel Pont-Neuf paraîtrait une solitude en comparaison de ce que l’on voit ici. Je n’ai encore eu l’occasion de rien observer, mais je n’ai pu m’empêcher d’être frappé de la prodigieuse quantité de belles personnes et de leur bonne grâce. » Sa réception à la cour fut digne d’un si parfait ami de l’Angleterre. « On ne saurait désirer, écrit-il au régent, des dispositions meilleures. Pour soutenir les droits de votre altesse royale à la couronne, les Anglais mettront jusqu’au dernier sol et au dernier homme. Le roi est si bien disposé qu’il semble qu’il vous ait mis à la place de son fils. Quant à M. Stanhope, c’est un philosophe homme de bien qui aime sa patrie, mais qui aime votre altesse royale presque autant qu’elle. » L’aristocratie anglaise suivit le branle donné par la cour ; elle traita magnifiquement l’ambassadeur, et notre buveur d’eau, débauché de son régime par devoir diplomatique, fut contraint de s’abandonner à toutes les intempérances, parlons comme lui, à toutes les « lampées » de l’hospitalité britannique.

Il existe à la bibliothèque Mazarine une vie manuscrite du cardinal Dubois, très peu connue, même de ses apologistes, bien qu’elle ne soit pas d’un ennemi : ce récit, — fort différent de la vie imprimée en 1789 et de cette autre biographie mensongère dont le manuscrit, attribué à La Houssaye-Pegeault, est à l’Arsenal, — nous paraît l’œuvre d’un contemporain qui avait bien connu l’abbé, ou du moins quelqu’un de son intimité. On y trouve, avec un air de modération et de bonne foi, des faits précis, notamment un long détail des fêtes célébrées à Londres en l’honneur de Dubois pendant son ambassade. Bals, dîners, chasses et concerts, tout y figure jusqu’aux indigestions de l’abbé, « survenues à la suite de banquets de 800 couverts. » Sur plus d’un point, la correspondance diplomatique confirme les dires du biographe anonyme ; nous nous bornerons à ce court passage d’une lettre de Dubois au régent : « Je suis allé lundi souper avec le roi à Hamptoncourt, et le lendemain je l’ai suivi à Guilfort pour voir les courses de chevaux. Milord Onslow, chez qui le roi dîna, m’ayant porté à petit bruit la santé de votre altesse royale avec du vin de Chypre de quatre-vingt-dix ans que son frère lui a envoyé de Constantinople, le roi s’en étant aperçu demanda du même vin, et m’ordonna de choquer mon verre avec le sien, et dit tout haut : « A la santé de M. le régent, le bon ami de