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général. Le ministère Guizot s’honora en instituant définitivement (24 septembre 1844) la chaire qui répondait si bien aux aspirations de la biologie contemporaine. L’histoire du développement des êtres eut donc à Paris un amphithéâtre bien avant que des cours semblables ne s’ouvrissent dans les universités allemandes. Au point de vue de l’embryogénie théorique, la France tenait sa place par les travaux de ses savans, par cette chaire créée pour les faire connaître, enfin par une publication monumentale. M. Coste avait entrepris une Histoire du développement dont le texte est resté jusqu’à ce jour inachevé. M. Gerbe, qui seconde depuis plus de trente ans l’éminent professeur dans tous ses travaux, dessina pour cet ouvrage d’admirables planches retraçant les phases du développement dans l’homme et les animaux, et en fit le plus bel atlas qu’on ait jamais publié sur cette partie de l’histoire naturelle.


II

Pendant que l’Allemagne s’avançait à son tour dans la voie que nous avions tant contribué à ouvrir, et produisait de nombreux travaux dont on ne saurait contester le mérite[1], tout à coup l’embryogénie française prenait une direction nouvelle. Délaissant peut-être un peu trop la recherche (pure, elle se livre avec ardeur à l’étude des applications, et, grâce à la souplesse de son génie, nous marchons encore les premiers dans cette voie, véritables initiateurs de l’Europe. Tout le monde sait quelles préoccupations excita dans l’esprit public la mise en culture des eaux. L’enthousiasme inconsidéré qu’elle a causé aux uns, les attaques passionnées qui ont été dirigées d’autre part contre elle, suffisent à démontrer l’importance d’une question qui n’eût certes point résisté à ce double courant d’exagérations, s’il n’y avait eu au-dessous de cette agitation, qui n’était nullement factice, un intérêt réel où l’industrie privée a fort bien su, quoi qu’on en ait dit, trouver son avantage.

Il s’en faut que l’idée d’exploiter les eaux et d’en régulariser le rendement soit nouvelle ; les Chinois l’ont eue sans la tenir de nous. Rome connut tous les secrets de cet art, et on rapporte le mot d’un certain Sergius Orata, qui disait, quand on fit mine de l’empêcher d’élever des huîtres au Lucrin, « qu’il saurait bien en faire pousser sur les toits. » L’industrie actuelle du lac Fusaro n’a probablement jamais été délaissée, et au nord de l’Italie la grande lagune de Comacchio, entre les bouches du Pô, est depuis des siècles en

  1. Ceux de MM. Wagner, Remak, Reichert, Kölliker, His, etc.