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pour les travaux plus délicats. Chaque naturaliste qui vient à Concarneau faire des recherches a le sien, avec une fenêtre donnant sur la mer. On lui remet la clé. Il est là chez lui, dispose ses microscopes, ses appareils, s’arrange comme il l’entend, va et vient à toute heure du jour et de la nuit, poursuivant ses travaux dans un calme presque monastique, au milieu des inépuisables matériaux d’une des côtes les plus riches du littoral.

La portée pratique de l’établissement de Concarneau ne pouvait être la même qu’à Huningue. Il ne s’agissait plus de repeupler un rivage d’où peu à peu certaines espèces recherchées, comme le homard et la langouste, se sont retirées vers le large. Fût-on parvenu, à force de soins et de dépenses, à jeter dans la pleine mer des millions de jeunes, était-il sûr qu’on en retrouvât seulement la trace au bout de quelques jours ? Mais l’établissement de Concarneau pouvait avoir une importance réelle en apprenant aux pêcheurs à créer de véritables entrepôts pour le poisson plat et le coquillage. Ces animaux se prêtent par nature à la captivité, tandis que beaucoup d’autres meurent vite dans les viviers, ou même dès qu’on les sort de l’eau. Au contraire la sole, la barbue, le turbot surtout, s’accommodent très bien de la vie recluse, et, pourvu que la nourriture soit abondante, ils prospèrent à merveille. Le homard, la langouste, la chevrette ou bouquet, subissent aussi sans dommage cet entassement dans les bassins en attendant l’occasion d’un plus gros bénéfice. Le poisson, le coquillage est-il abondant, on le met au vivier, d’où on le tirera avec une plus-value quand la pêche sera moins bonne. On commande aujourd’hui à l’avance, pour tel jour, un turbot du poids que l’on veut, ou la plus belle langouste pour la table d’un souverain étranger. Les viviers comme celui de Concarneau, comme celui de Roscof, établi sur le même plan par l’industrie privée à l’autre bout du Finistère, ont augmenté sensiblement le gain des pêcheurs. Les habitans aisés de la côte, qui payaient jadis quelques sous un magnifique homard, peuvent gémir sur les dépenses croissantes de leur table ; mais le marin qui l’a vendu 3 ou 4 francs au maître du vivier s’en trouve bien avec toute sa petite famille, et c’est le principal.

De pareils résultats ont bien leur valeur ; ils ne doivent pas cependant faire oublier le but supérieur qu’on s’était proposé en installant ces bassins pour l’étude scientifique des mœurs et surtout de l’embryogénie des animaux de la mer, afin d’en déduire, comme de toute science pure, les applications qui font tôt ou tard tourner en profit commun les découvertes les plus abstraites et en apparence les plus vaines. À ce point de vue, l’établissement de Concarneau n’a pas été non plus stérile. C’est là qu’ont été faites les