Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 99.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dussent produire partout les mêmes effets ; mais la monarchie, en devenant plus absolue, ne prit point partout les mêmes caractères. La chambre des communes fut la complice plutôt que l’esclave du sanguinaire despotisme d’Henry VIII. Sous les Tudors comme sous les Plantagenets, le parlement conserva ses privilèges essentiels, il continuait à fixer le chiffre et la nature de l’impôt. La passion royale et la passion nationale avaient les mêmes objets. Henry VIII, le roi le plus absolu qu’ait eu l’Angleterre, donna sans le vouloir l’omnipotence au parlement. Qu’est-ce qui pouvait être interdit ou impossible à un corps qui avait déposé, flétri des reines, confisqué le quart des terres dans le royaume, changé la religion établie, condamné des innocens, modifié plusieurs fois l’ordre de succession au trône ? Il n’y avait rien qu’on ne lui demandât : il pouvait donc tout faire.

Sous le règne d’Elisabeth, la ferveur nationale et l’exaltation religieuse firent de la reine une idole. On lui pardonna ses caprices arrogans, son dédain pour les formes constitutionnelles, encore mal définies du reste. Ce fut seulement sous son triste successeur que commença la lutte mémorable d’où le parlement devait sortir vainqueur et maître définitif des destinées de l’Angleterre. L’histoire de ces combats restera toujours la grande époque de l’Angleterre ; rien n’en fera pâlir la gloire tragique, ni la révolution de 1688, ni la lutte contre la révolution française et contre Bonaparte.

Les libertés parlementaires sont comme de fortes racines entrées dans le sol : l’arbre a souvent été insulté, ses branches, son tronc même, ont été brisés, la vieille souche est toujours restée. Trois grands principes traversent tous les événemens mal définis au début, souvent contestés, mais toujours vainqueurs : 1° le roi ne fait point la loi sans le parlement ; 2° il ne lève point d’impôts sans le parlement ; 3° si la loi n’est pas exécutée, les agens du roi sont responsables devant les tribunaux., Henry VIII est obligé de céder quand il veut établir l’impôt du sixième du revenu ; Elisabeth cède quand les marchands se révoltent contre les monopoles qu’elle veut créer. Comines vante déjà la constitution anglaise, la royauté limitée, tempérée.

Charles Ier ose rêver la royauté latine, romaine, de droit divin ; ses théologiens niaient le contrat, le pacte entre la royauté et la nation. De 1629 à 1640, et bien qu’il eût accepté la pétition des droits, qui était la confession des obligations du souverain, Charles Ier se passa de parlemens. Celui qu’il convoqua en 1640 devint le long parlement. Il frappa d’abord Laud et Strafford, puis, quand le roi voulut faire arrêter sous ses yeux cinq de ses membres, entre autres Pym et Hampden, il se vengea sur le roi