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Jusqu’à la mort de Codde, qui, tant qu’il vivait, maintenait encore une forme de diocèse, il y eut une sorte d’ajournement forcé de la solution finale. Le parti jésuitique en profita pour se consolider et se mettre en mesure de dominer la situation lorsque l’heure décisive aurait sonné. Codde ne pouvant plus ordonner de prêtres, la mort éclaircissait lentement les rangs de son clergé, et, sous peine de laisser les âmes catholiques à l’abandon, il fallait bien tolérer le ministère des affiliés de l’ordre d’Ignace ou de ses partisans. Un certain nombre de prêtres effrayés croyaient qu’il était sage de conserver à tout prix l’unité parfaite avec Rome, et se détachaient de leur archevêque. C’est surtout au sein des communautés que la propagande ultramontaine était active. Les prêtres fidèles à la constitution épiscopale étaient stigmatisés comme hérétiques et excommuniés. Les mariages célébrés par eux, les sacre-mens administrés par leurs mains, les absolutions qu’ils prononçaient, étaient déclarés de nulle valeur, et l’on comprend l’effet de terreur que ces dénonciations, appuyées par de continuelles lettres venant de Rome, produisaient sur les consciences ignorantes et timorées qui formaient la grande majorité des catholiques néerlandais.

De son côté, le chapitre ne restait pas inactif. Il faisait retentir la catholicité de ses protestations et de ses plaintes. Il avait pour principaux avocats van Erkel et Heussen, l’auteur de la Batavia sacra. Nombre d’évêques, ceux entre autres de Bayeux, de Blois, de Senez, partisans déclarés du vieux droit épiscopal, s’étaient prononcés en sa faveur et se disaient disposés à consacrer des prêtres pour desservir les paroisses catholiques des Pays-Bas. Des facultés de théologie renommées, celles notamment de Paris et de Louvain, avaient émis sur sa demande des avis formellement contraires aux décrets du saint-siège ; mais la fatalité voulait que la grosse affaire du jansénisme vînt compliquer la position du chapitre. L’interminable querelle à propos de la bulle Unigenitus passionnait alors les esprits. On sait que cette bulle pontificale, contenant la condamnation d’un certain nombre de thèses extraites des écrits de Jansénius et de Quesnel, était imposée par la cour de Rome à la signature de tous ceux qui réclamaient le titre de catholiques. On sait aussi que la prétention des gallicans, appuyés par le parlement de Paris, était que cette bulle énonçait de graves erreurs de fait, qu’en réalité les thèses attribuées à Jansénius n’étaient pas les siennes ou ne se trouvaient pas dans son livre. Le chapitre d’Utrecht voulut rester sur le terrain que ses évêques avaient adopté depuis l’origine de la querelle. Il refusa sa signature. Il ne pouvait faire autrement, mais ce refus acheva de le perdre aux yeux de la curie romaine et de le compromettre dans l’esprit des catholiques, terrifiés à l’idée