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décrétées ; s’il s’agit surtout de questions intéressant gravement la doctrine ou la constitution de l’église, le recours au concile œcuménique reste toujours ouvert. C’est qu’au fond le gallicanisme est un système aristocratique représentatif plutôt que monarchique. C’est l’épiscopat collectif qui est l’autorité fondamentale, le roc immuable sur lequel l’église est bâtie, et les droits de la papauté sont très inférieurs aux siens. « Nobles comme le roi, » disaient d’eux-mêmes les anciens gentilshommes de Bretagne les plus dévoués à la couronne de France ; cependant, tout disposés qu’ils fussent à se faire tuer au service « dudit seigneur roi, » ils n’admettaient pas que le pouvoir royal pût aller jusqu’à supprimer leurs privilèges de naissance ni leurs franchises provinciales. De même un évêque gallican, tout en reconnaissant le pape comme son supérieur, se considère comme aussi inviolable, aussi sacré que lui dans l’exercice du ministère local qui lui est dévolu. Cette même inviolabilité s’attache à la personnalité morale du diocèse et du chapitre qui lui confèrent la dignité épiscopale en vertu des anciens canons. Il a fallu la révolution, le concordat napoléonien et les bouleversemens qui en sont résultés dans les conditions d’existence de l’église catholique en France pour obscurcir ces notions qui, sous l’ancien régime, avaient pour ainsi dire force d’axiomes au sein de l’épiscopat français.

Il suit de là que, si la cour de Rome peut sous sa responsabilité blâmer, censurer, excommunier même tel ou tel membre de l’épiscopat qu’elle juge indigne ou hérétique, celui-ci peut à son tour invoquer une juridiction supérieure, et surtout que, sous peine de léser le principe vital de l’église, cette cour ne saurait de sa propre autorité supprimer des diocèses existans, ni par conséquent empêcher les diocèses vacans de donner des successeurs à leurs évêques défunts. Au point de vue épiscopal, c’est-à-dire au point de vue de l’ancienne église de France comme au sien, le chapitre d’Utrecht était donc entièrement dans son droit. Il ne voulait pas se séparer de Rome, il le prouvait en notifiant au pape le choix qu’il avait fait avec toutes les formalités requises ; il aurait pu, le cas échéant, modifier ce premier choix sur les représentations du saint-siège, mais il ne pouvait absolument pas consentir à la suppression de son diocèse ni laisser indéfiniment le diocèse sans pasteur. En résumé, ce conflit local ne faisait que mettre en lumière la contradiction, longtemps adoucie ou voilée dans la pratique, qui est inhérente à la théorie de l’autorité catholique. Là où l’ultramontain reconnaissait l’exercice d’une souveraineté absolue, primant tous les droits et tous les devoirs, l’épiscopaliste se sentait lié par un devoir absolu dont rien ni personne ne pouvait l’exempter, dût-il même en