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polisseuses pour métal ou pour marbre ; on les trouve chez les sculpteurs en albâtre, les fondeurs de bronze, les fabricans de limes, dans les poteries d’étain. Beaucoup d’autres sont brunisseuses ou vernisseuses ; on les rencontre dans toutes les industries qui travaillent les métaux ; une ouvrière médiocre y gagne aisément 2 fr. 50 cent, par jour, une bonne ouvrière 3 fr., rarement 4 fr. Dans la bijouterie fine, les femmes ont d’autres attributions, un peu plus délicates, sans cesser d’être élémentaires, et qui leur valent des salaires élevés. C’est ainsi que plusieurs milliers sont reperceuses ou guillocheuses : le reperçage consiste à achever le découpage des ornemens en cuivre ; le guillochage a pour objet de faire avec un tour, sur les métaux, les boîtes de montre et les bijoux, des fonds quadrillés, vermiculés ou autres. Ce sont des travaux faciles qui n’exigent ni talent ni goût ; ils rapportent un salaire qui varie de 2 francs 50 cent, à 4 francs. Les doreuses, les émailleuses, des coloristes, gagnent à peu près autant. On trouve encore des ouvrières chez les fabricans d’instrumens de précision et d’instrumens de musique, et dans toutes les autres branches des articles de Paris. Pour toutes ces professions, les salaires de 2 fr. 50 cent. sont la généralité, ceux de 3 fr. sont assez fréquens, ceux de 3 fr. 50 cent., 4 francs et plus se rencontrent par exception. Ainsi l’habileté de la main est hautement rétribuée, alors même qu’elle n’est guidée par aucune instruction et par aucune aptitude intellectuelle, ce qui arrive pour l’immense, majorité des ouvrières dont nous parlons. Il en est autrement des femmes occupées dans les industries de luxe spécialement féminines, comme les fleuristes, les plumassières ; celles-là ont souvent beaucoup de goût et font des merveilles en leur art. Près de la moitié des femmes occupées par les plumassiers gagnent 3 francs ou plus ; dans les fleurs artificielles, la rétribution monte quelquefois à 4 fr., 5 fr., et même à 10 francs. Telle est l’aristocratie des ouvrières parisiennes. Les industries de luxe fournissent à Paris le nécessaire aux femmes qu’elles emploient ; elles donnent même un peu d’aisance aux ouvrières habiles.

La dernière catégorie des ouvrières parisiennes, c’est celle des femmes de tout âge et de toute origine, les unes encore enfans, les autres déjà vieilles, celles-ci qui ont connu des jours prospères, celles-là qui ont été dans le dénûment dès leur berceau, toutes dépourvues de ressources, de relations et de savoir-faire, vouées par leur incapacité à tous les travaux faciles, grossiers et peu rétribués, n’ayant, beaucoup du moins, aucune profession permanente, offrant leurs bras inhabiles et leur esprit inculte à toutes les occupations qui leur peuvent donner un morceau de pain. C’est la catégorie des incapables, des déclassées, des misérables, vivant tantôt des secours publics, tantôt de leur ingrat labeur, tantôt de