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efforts les plus louables, renouvelés à diverses époques, n’ont pu obtenir qu’elle fût observée. Quelques examens séparés par de longs intervalles fournissent à la Faculté le seul moyen de constater ou plutôt de supposer le degré d’assiduité et de travail pour chaque étudiant, et il est notoire que bon nombre de jeunes gens, au lieu de travailler régulièrement et d’une façon continue, ne travaillent sérieusement que pendant les semaines qui précèdent l’examen. Dès lors l’emploi du temps des étudians en droit et en médecine n’est pas réglé comme il le serait, si, à l’instar de ce qui se pratique à l’École centrale, de fréquens examens partiels sur les différentes parties du cours étaient ajoutés aux examens généraux. L’externat, qui effraie tant de familles, n’est point dangereux pour les élèves de l’École centrale, grâce à un système très simple qui, s’appliquant à cinq cents jeunes gens, assure le studieux emploi des heures passées en dehors d’une surveillance immédiate.

On peut justifier par des motifs particuliers le régime du casernement ou de l’internat pour l’École polytechnique et pour l’École normale. Cependant l’exemple de l’École centrale apporte un excellent argument à l’opinion contraire. En examinant cette question si grave en matière d’enseignement, il ne faut pas perdre de vue que nous sommes sous l’influence d’habitudes prises et de traditions qui nous viennent d’une époque où la caserne était fort en honneur. La réorganisation des écoles spéciales et des lycées date du premier empire. Sans méconnaître ni diminuer le mérite des créations qui remontent à cette période et dont la plupart subsistent encore, il est permis de rappeler que l’empreinte autoritaire et militaire y était partout marquée. On enseignait dans les lycées l’école du peloton ; l’uniforme et les grades étaient introduits partout ; l’internat devait s’ensuivre comme étant le premier degré de la caserne. Nos collèges et la plupart de nos écoles spéciales ont conservé ce régime qui a résisté à plusieurs révolutions et à deux républiques. Il est difficile de réagir contre de telles traditions. Cependant, si l’on imaginait de faire table rase et de reconstituer un système, ne faudrait-il pas tenir grand compte des avantages que présenterait, au moins pour les écoles supérieures, le régime de l’externat ? En Angleterre, aux États-Unis et en Allemagne, les jeunes gens, livrés à eux-mêmes dès l’âge de dix-sept à dix-huit ans, sont mieux préparés à la bataille de la vie ; ils ont généralement l’esprit plus réfléchi et l’âme mieux trempée : ils acquièrent plus tôt la force morale, et, quant au travail, la valeur économique. Est-ce là, comme on le dit souvent, un privilège de la race anglo-saxonne ? Faut-il attribuer cette précocité d’intelligence et d’action aux habitudes mercantiles et aux mouvemens d’émigration que l’on observe