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est donc indispensable de les résoudre avant de commencer la guerre. »

Elles ne furent point résolues, et l’alliance se rompit. Dumouriez et sa manœuvre y contribuèrent pour quelque chose. Le fait est que l’armée prussienne se replia en désordre, et que les Français s’emparèrent de la rive gauche du Rhin. Déçue de ce côté, la Prusse se retourna vers l’est, où l’on se partageait la Pologne. Elle sortit de la coalition, et, dès qu’il y eut en France un gouvernement avec lequel il fut possible de traiter, elle traita : ce fut la paix de Bâle en 1795. Les Allemands lui ont reproché cet acte comme une trahison. « Elle ne livrait pas elle-même les frontières allemandes aux Français, dit M. de Sybel, mais elle renonçait à les défendre avec les forces prussiennes. » Elle fit plus : elle promit de s’entremettre, afin d’amener, par une paix avec l’empire d’Allemagne, la cession définitive des provinces du Rhin. Ce fut le point de départ des relations amicales entre la Prusse et la France ; elles durèrent dix années. La situation que la Prusse s’était faite en Europe et en Allemagne, assez embarrassée d’abord, devint bientôt irritante et presque insupportable. En butte aux reproches et aux méfiances, soupçonnée de convoitises secrètes et d’ambitions envahissantes, elle se trouva sans alliés, et vit diminuer à la fois son prestige et son influence. « Prendre et garder pour soi, écrivait M. de Pradt en 1815, ont à peu près composé tout le dictionnaire diplomatique de l’Europe. » La Prusse avait beaucoup pris depuis cinquante ans ; elle gardait avec un soin jaloux. Comme tous les corps robustes destinés à grossir démesurément, elle s’affaiblissait cependant faute de nourriture ; elle avait des appétits impérieux, et la diète la mettait en fièvre.

Le Hanovre était un morceau de roi : on y pensait à Berlin ; mais le Hanovre était le patrimoine particulier du souverain d’Angleterre, il y tenait avec entêtement. C’était une grosse partie à jouer, où Napoléon était seul en mesure de faire gagner son partenaire. Il occupait le Hanovre, et le conservait en gage. Pourquoi, en attendant la paix, la Prusse ne serait-elle point commise à la tutelle de ce pays ? Faute de mieux, cette « garde noble » aurait ses avantages : la possession est un titre comme un autre quand il s’agit de régler le droit du plus fort. Napoléon ne défendait point à la Prusse d’y songer. Il en avait été question à diverses reprises entre les chancelleries de Paris et de Berlin ; mais les entretiens avaient toujours manqué de précision, de suite, de conclusion surtout. A l’automne de 1805, lorsque la triple alliance de l’Angleterre, de l’Autriche et de la Russie se noua contre lui, Napoléon jugea le moment venu de parler plus nettement. Il était assez malaisé de se faire