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excessive, contre lequel la population des provinces n’a pas cessé de protester, et qui commence à être fortement ébranlé en matière administrative et politique. On dite à ce sujet l’exemple des autres pays, où les écoles destinées à former des ingénieurs sont plus nombreuses, reçoivent plus d’élèves et répandent plus abondamment dans la région qui les entoure les leçons de la théorie jointes aux notions pratiques. Enfin cette opinion invoque les essais qui sont tentés à Lyon, à Marseille, au Havre, et elle s’en autorise pour soutenir que l’on peut établir dans les grandes villes une sorte d’enseignement supérieur approprié à l’industrie. Les argumens contradictoires ne manquent donc pas dans cette discussion, qui risque d’être détournée de son véritable but et envenimée par la jalousie provinciale, très vive aujourd’hui contre Paris.

Cependant, si l’on prend la peine d’aller au fond des choses, d’observer les faits, de se rendre exactement compte de la mission attribuée à l’École centrale, on finira par se convaincre des difficultés qui s’opposeraient au morcellement ou au déplacement de cette école et des avantages que présente l’unité de ses études. Les motifs qui ont empêché de transporter ailleurs qu’à Paris l’École polytechnique s’appliquent à l’École centrale ; la science et les professeurs n’émigreraient pas avec les élèves. De même il est reconnu que, malgré les bénéfices de carrière et de considération qui s’attachent au titre d’élève de l’École polytechnique, le nombre des candidats. jugés dignes d’être admis est toujours assez limité, et que, dans les années où des événemens de guerre rendent nécessaire l’augmentation de l’effectif, la force des études subit une rude atteinte. C’est qu’en réalité le degré supérieur d’aptitude est toujours rare ; si l’on ne veut recruter que des sujets d’élite, il faut se renfermer dans un cercle très étroit. La nature ne s’est pas encore soumise à nos lois d’égalité : elle est avare de ses dons, elle n’accorde pas à tous les facultés maîtresses qui permettent aux intelligences privilégiées de s’élever dans les régions d’où elles pénètrent le secret des choses et commandent aux hommes ; elle tient en réserve pour un bien petit nombre le génie, la science et l’autorité. À cette aristocratie, qui défiera toutes les révolutions, il faut assurer un domaine qui soit placé assez haut pour que la médiocrité ne soit même pas tentée d’y atteindre. De là l’utilité de ces institutions supérieures qui, sous diverses dénominations, sont particulièrement vouées à l’enseignement des principes et gardent le dépôt de la théorie, institutions que l’on ne saurait multiplier sans abaisser la science.

Mais au-dessous de ces sommets lumineux s’étend un vaste espace qui doit s’éclairer à leurs rayons. L’enseignement supérieur