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peut donner naissance à un grand nombre d’écoles secondaires appropriées spécialement à chaque industrie. On obtiendra par ce moyen la meilleure solution du problème. Autant il serait téméraire de créer à Lille, à Rouen, à Lyon, à Saint-Etienne, à Bordeaux, des établissemens qui prétendraient s’élever au niveau de l’École centrale, autant il est utile d’encourager dans ces villes des écoles où l’on enseignerait, avec les. notions générales qui servent de base à toute instruction, les procédés relatifs à la fabrication du sucre, à la filature, au tissage, à l’exploitation des mines, à la production de la vigne. Ces écoles, créées par les départemens ou par les communes, par les chambres de commerce et même par des groupes d’industriels, exerceraient la plus grande influence sur les progrès du travail agricole et manufacturier. C’est ainsi que la question a été résolue dans la plupart des autres pays. Il existe en Allemagne et en Suisse de nombreux instituts qui contiennent ensemble plus de 4,000 élèves. La France est loin d’atteindre ce chiffre, et il convient qu’elle se mette à l’œuvre ; mais ces instituts qui donnent d’excellentes leçons moyennant une rétribution généralement très modique demeurent pour le degré de l’enseignement bien au-dessous de nos grandes écoles ; ce qui le prouve, c’est que les jeunes gens de Suisse et d’Allemagne qui désiraient faire de fortes études venaient jusqu’à ces derniers temps achever leur instruction à Paris. En résumé, conservons précieusement l’École centrale avec l’organisation qu’elle a reçue dès l’origine, avec son enseignement théorique, dans les conditions que le succès a consacrées, et occupons-nous de multiplier autour d’elle les établissemens secondaires, selon les besoins et les ressources de chaque région.

Cette conclusion s’accorde avec les documens qui ont été produits lors de l’enquête de 1863. À cette date, la sollicitude des pouvoirs publics était vivement excitée en faveur de l’enseignement industriel. Plus tard, l’exposition de 1867, en montrant les progrès accomplis chez tous les peuples, nous avertit de nous mettre en défense et de hâter le développement de l’instruction technique. La guerre a tout suspendu. Nous voici plus que jamais pressés par la concurrence, alors que nous sommes plus que jamais obligés de travailler, de produire, de réaliser des profits pour reconstituer notre ancienne prospérité. Il s’agit donc d’étudier de nouveau la grande question de l’enseignement national. L’École centrale des arts et manufactures est appelée à y remplir un rôle très important. C’est pour ce motif que nous avons jugé utile de consulter son origine, de décrire sa mission et de retracer son histoire.


C. LAVOLLEE.